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trong>Oui : "dès que ses voisins s'affaiblissent, les bouffées impériales reviennent" (Salomé Zourabichvili)La Russie n'a jamais vraiment accepté la perte de ses " colonies ", vécue encore aujourd'hui comme une amputation. Après l'éclatement de l'empire, elle a toujours eu du mal à reconnaître et à accepter ses nouvelles frontières, que ce soit pour les États baltes, pour le Kazakhstan, et plus encore pour la Géorgie et l'Ukraine. Et elle vit encore dans la terreur de perdre de nouveaux territoires, prise entre la nostalgie de l'empire et la volonté de devenir une puissance moderne du XXIe siècle. L'idée même de frontières stables lui ayant toujours été étrangère, la Russie reste dans cette contradiction qui l'a empêchée de se développer dans la durée. Avec la flambée des prix du pétrole et du gaz, et les réserves financières colossales qu'ils ont ainsi accumulées, les dirigeants russes ont certes découvert des nouveaux instruments de puissance : la Russie est entrée au capital de toutes les affaires privatisées par ses voisins. Mais ils n'osent s'en remettre à ces seules armes : dès qu'ils sentent chez leurs voisins un accès de faiblesse mêlé à une attitude agressive à leur égard, les " bouffées impériales " reviennent de façon irrésistible, comme un instinct incoercible. Avec l'intervention militaire en Géorgie, ils ont ainsi démontré la puissance de la Russie, sans avoir à se confronter à de grandes puissances militaires sur d'autres fronts. Plus qu'une stratégie de reconquête de l'empire soviétique, on est en présence d'un regain de tentation impériale et à une volonté de puissance. Voilà pourquoi une position ferme mais non agressive est aujourd'hui la réponse la plus efficace face à Moscou. Il faut poser des frontières à la Russie, et lui indiquer les limites à ne pas franchir.Jacques Lévesque, professeur à l'université du Québec à Montréal. Auteur du "Retour de la Russie".Non : "La Russie tente surtout d'arrêter l'élargissement continu de l'Otan" (Jacques Lévesque)L'intervention de la Russie en Géorgie ne relève en aucun cas d'une tentative de reconquête de l'empire. La vérité est que les États-Unis ont profité de la faiblesse de la Russie sous Elstine pour marginaliser la Russie et l'empêcher de renaître comme puissance importante par une expansion constante de l'Otan vers l'Est, jusque dans l'ancien espace soviétique. Lorsque la Pologne, la République tchèque et la Hongrie ont obtenu, en 1997, l'accord de principe pour intégrer l'Alliance atlantique, Moscou, qui considérait cela comme un mépris de toutes ses objections, n'a pu que s'incliner. Lorsque, à leur tour, les pays Baltes ont acquis l'entrée dans l'Otan à la fin 2001, la Russie s'est encore résignée. Lorsqu'en février dernier les États-Unis, avec plus de quarante États, ont reconnu l'indépendance du Kosovo sans la sanction des Nations unies et donc en violation du droit international, la Russie n'a pas bougé tout de suite. Enfin, lorsque, au sommet de l'Otan d'avril dernier à Bucarest, George Bush a obtenu, malgré la protestation de Poutine, une déclaration de l'Organisation posant que l'Ukraine et la Géorgie deviendront membres de l'Otan, la Russie a réagi en renforçant ses liens avec les deux provinces séparatistes de Géorgie.Mais pour les Russes, ce dernier élargissement de l'Otan est proprement inacceptable : cette lamination constante de sa zone d'influence finit de transformer l'Alliance atlantique en un système de sécurité alternatif aux Nations unies, qui plus est tourné contre la Russie. Aujourd'hui, elle ne cherche plus à reconquérir son empire : elle fait le pari qu'elle estmaintenant capable de donner un coup d'arrêt à l'élargissement de l'Otan.L'éclipse du droit international Pour l'instant, chacun préfère parier que, après la fermeté de l'Union européenne qui a déclaré "non négociable l'intégrité territoriale de l'Ukraine" tout en lui proposant un simple "accord d'association" qui ne devrait pas froisserMoscou outre mesure, la Russie s'en tiendra là. Seulement, même s'il retire dans un mois ses troupes du territoire géorgien, et s'il ne fait pas signe de vouloir récupérer ses frontières d'avant 1991, la crise aura brutalement confirmé que les frontières sont devenues floues. Et remis sur le devant de la scène les multiples "conflits gelés" dans l'espace post-soviétique. Depuis la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo, la notion d'intégrité territoriale s'est comme éclipsée du droit international. La Russie n'entend pas revenir sur sa reconnaissance de l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, bien qu'elle n'ait été suivie par aucun autre État indépendant deMoscou. Plaçant les grandes puissances devant le fait accompli, elle a fait renaître le statut énoncé par Brejnev en 1968 pour les États satellites, celui de "souveraineté limitée" : "Si la Russie ne cherche pas à rebâtir l'empire soviétique par une emprise territoriale, précise Anne de Tinguy, professeur et auteur de "Moscou et le monde", elle entend rétablir son influence sur ces voisins qui se tournent résolument vers l'Europe et l'Alliance atlantique." Pas d'empire donc. Mais sa zone d'influence, très certainement. Un signal fort pour l'Otan et l'Union européenne amenées à leur tour à arrêter leurs propres frontières.
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