Le régulateur français victime du passeport européen

Si la CSSF (Commission de surveillance du secteur financier luxembourgeois) déclare s'être fait « berner » en agréant des fonds « madoffés » (lire ci-contre), que dire de l'Autorité des marchés financiers (AMF). En autorisant, le 25 mars 2005, la commercialisation de la Sicav Luxalpha en France, le gendarme de la Bourse a permis aux épargnants français de souscrire à ce produit « miracle » en direct, via des contrats d'assurance-vie en unités de compte, des mandats de gestion ou des fonds de fonds. Aujourd'hui, on sait que le prospectus agréé était faux. L'AMF s'est donc basée sur un document erroné. Selon le principe du passeport européen, l'agrément accordé par la CSSF s'impose à tous les autres régulateurs européens. Ces derniers reçoivent alors une demande de commercialisation et se bornent à vérifier que l'ensemble des documents ont été fournis, mais sans examiner le produit et son fonctionnement, ni remettre en cause l'agrément accordé par l'autorité d'origine. Il est même interdit au régulateur, ici l'AMF, de réaliser des contrôles car cela signifierait une remise en cause du principe du passeport européen.L'AMF n'est-elle donc pas en droit de demander quelques explications, à défaut de réparation, au régulateur luxembourgeois, à l'UBS ou encore à Access International Advisors (AIA) à l'origine de ce fonds ? De l'aveu de Thierry Francq, secrétaire général de l'AMF, « il n'y a pas de protection totale mais les règles du jeu doivent être claires et dans la mesure du possible les mêmes » en Europe. Et d'ajouter : « Le superviseur ne peut pas contrôler la véracité de l'ensemble des informations communiquées. Chaque intervenant du système doit être responsabilisé. »Si on compte de nombreux épargnants français investis dans Luxalpha, c'est parce que la France était le marché cible de AIA. Dans un PV d'assemblée de Luxalpha, daté du 4 août 2004, les membres du conseil d'administration de la Sicav se réjouissent même d'avoir entamé les démarches auprès de l'AMF pour enregistrer et vendre le fonds en France.Aujourd'hui, si aucun investisseur français n'a encore revu son argent, quelques référés ont été initiés en France à l'encontre de banques. Le juge Renaud Van Ruymbeke, qui a perquisitionné à la CSSF et l'UBS l'été dernier d'où il a saisi quelques dossiers, vient même de mettre Patrick Littaye, cofondateur de AIA, en examen. Par ailleurs, lors d'une procédure de référé concernant un Français investi dans Luxinvest qui souhaitait obtenir une provision de remboursement, le parquet luxembourgeois présent à l'audience a demandé au juge d'avoir accès, entre autres, à l'operating memorandum du fonds révélé dans « La Tribune » du 9 novembre 2009. T. S.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.