Affronter les quatre ruptures du commerce mondial

oint de vue anne-marie Idrac Secrétaire d'État au Commerce extérieurLe commerce mondial connaît, dans la crise, de profondes mutations. Elles vont bien au-delà de sa forte décélération en 2008 et début 2009. Au-delà de quelques manifestations sporadiques, la crise n'aura pas suscité, heureusement, une vague de protectionnisme, contrairement aux années 1930. Mais nous devons nous adapter à ces mutations : il y va de notre capacité à faire partie des gagnants de l'après-crise.La première mutation est d'ordre géographique. Si l'Union européenne et les États-Unis restent les premiers acteurs, avec le Japon, c'est dans les pays émergents, d'abord en Asie, que se nouent les principaux enjeux. Pour la France, dont les deux tiers des exportations sont encore à destination de l'Europe, cela renforce la nécessité d'un redéploiement vers les marchés émergents comme celui auquel ont procédé nos principaux concurrents, allemands et italiens. C'est d'ailleurs dans ces pays, Moyen-Orient inclus, que nos « grands contrats » tirent et structurent notre commerce extérieur, dont ils représentent à eux seuls 10 %.La deuxième mutation est d'ordre technologique. La différence se fait d'abord et surtout sur la qualité des produits et services : on le voit bien sur le luxe, l'un de nos secteurs d'excellence. L'analyse de la concurrence fait apparaître la nécessité de ne pas relâcher l'effort technologique et commercial sur nos points forts ? pharmacie, ferroviaire, aéronautique et spatial, énergie, technologies de la sécurité et des communications? Mais, au-delà de l'approche sectorielle, les technologies étant de moins en moins cloisonnées, c'est globalement la capacité transverse d'innovation qui fait la différence. À ce titre, le crédit d'impôt recherche est le meilleur outil de développement. Les pôles de compétitivité peuvent également jouer un rôle clé dans une approche résolument mondiale des chances de développement de nos technologies. L'enjeu majeur reste de faire accéder nos PME, surtout les plus innovantes, aux marchés porteurs. C'est la mission d'Ubifrance. Les grandes entreprises, au sein de Pacte PME International, doivent trouver leur intérêt à ce jeu en équipe.La troisième mutation est l'émergence de partenariats technologiques et industriels. Les choix du président de la République concernant l'industrie de défense au Brésil sont à cet égard exemplaires d'une considération politique nouvelle à l'égard des pays émergents, structurante pour nos positionnements économiques de long terme. Deuxième investisseur mondial à l'étranger, la France est en mesure de proposer toute la gamme des coopérations industrielles adaptées au niveau de développement des pays concernés et à la profondeur de nos relations. C'est le cas, par exemple, aux États-Unis ou en Amérique latine pour nos entreprises qui y ont déjà des implantations industrielles. La France dispose là d'un atout concurrentiel indéniable. Un autre bon exemple en est le dialogue industriel qui devrait s'intensifier en accompagnement des négociations sur le climat avec la Chine et l'Inde en particulier, en cohérence avec les positions que nous défendons en matière de « croissance verte » : les thématiques universelles de l'efficacité énergétique et de la croissance économe en carbone sont porteuses pour nos industries traditionnelles, pour nos entreprises de services, nos PME innovantes et, bien sûr, notre filière nucléaire civile. Symétriquement, la France bénéficie des partenariats industriels induits par notre position de deuxième pays d'accueil des investissements étrangers : ces derniers contribuent à hauteur de 40 % à nos exportations et nous font bénéficier des avantages d'une économie ouverte, en termes de productivité et d'apports technologiques. À ce titre, la qualité de nos infrastructures est certes importante, mais plus encore les mesures transversales de modernisation de l'économie. La formule, fréquemment entendue depuis deux ans, « France is on the move » montre que les mêmes outils qui servent notre compétitivité vers l'extérieur améliorent notre attractivité à l'égard de l'extérieur.Enfin, quatrième mutation, ces phénomènes de fond se traduisent en termes de négociations commerciales. La France, avec l'Union européenne, est attachée à la conclusion équilibrée des négociations du cycle de Doha à l'Organisation mondiale du commerce. Mais, au-delà de ce cycle, les mutations du commerce mondial renforcent le caractère crucial de la protection de la propriété intellectuelle et de l'investissement, pour garder à nos économies développées les longueurs d'avance indispensables. En outre, comme Nicolas Sarkozy le souligne, les interactions entre commerce et normes sociales, commerce et environnement sont des sujets majeurs du XXIe siècle. Remédier aux risques de déséquilibres concurrentiels en matière de standards environnementaux en est le point d'application le plus immédiat.Au moment où va se mettre en place une nouvelle Commission européenne, ces enjeux doivent inspirer à l'Union européenne une politique commerciale active, mais dépourvue de naïveté. La compétitivité de la France a évidemment toute sa place dans la réflexion stratégique confiée à Alain Juppé et Michel Rocard sur nos investissements d'avenir au titre du grand emprunt.
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