Plus de 50 ans de conflits

STRONG>1953, l'été le plus chaudQui s'en souvient ? 1953 fut l'été le plus chaud de l'histoire sociale française. Quatre millions de grévistes en plein mois d'août, un pays paralysé jusqu'au 25 août et un gouvernement obligé de faire machine arrière... Méconnu, l'épisode de 1953 est, sans doute, l'un des plus emblématiques des conflits sociaux liés aux retraites.Après plusieurs semaines de crise institutionnelle, Joseph Laniel vient de prendre la tête d'un gouvernement de droite dans lequel figure notamment François Mitterrand. Avec, comme mission, de rétablir les finances publiques mises à mal par le budget militaire nécessaire à la guerre d'Indochine. Doté de pouvoirs spéciaux, autorisé à procéder par décrets-lois, Joseph Laniel envisage de revoir le régime de retraite des fonctionnaires. Et notamment de reculer de deux ans l'âge de départ à la retraite pour le porter à 60 ans pour les « services actifs » et à 67 ans pour les « sédentaires ».Avant même leur publication, les décrets mettent le feu aux poudres. Le 4 août, à l'occasion de leur présentation au Conseil supérieur de la fonction publique, les syndicats appellent à un arrêt de travail d'une heure. À Bordeaux, les agents des PTT refusent de reprendre le travail. Très vite, le mouvement s'étend. Postiers, cheminots, gaziers, mineurs... le pays est paralysé en pleine période de congés payés.Le pouvoir choisit d'abord la fermeté. Des ordres de réquisition sont lancés, des syndicalistes sont arrêtés. Rien n'y fait. La grève dure et bénéficie d'un large soutien populaire. Il faudra attendre le 20 août pour qu'un accord soit signé entre le gouvernement, Force ouvrière et la CFTC. La réforme des retraites est abandonnée, de même que le blocage des bas salaires. Malgré cette reculade, le gouvernement Laniel tiendra jusqu'en juin 1954...1993, plan sévère mais calme platPassage de 37,5 années de cotisation à 40, instauration d'une décote de 10 % par année manquante et calcul de la pension sur les 25 meilleures années cotisées contre 10 auparavant. La réforme de 1993, lancée par Édouard Balladur alors Premier ministre, modifie en profondeur le régime des retraites des salariés du privé. Mais paradoxalement, elle ne suscite que peu de mobilisation. Plusieurs facteurs ont contribué à maintenir le calme. Tout d'abord, le gouvernement a procédé par décrets, publiés en plein mois d'août, une période peu propice à la contestation. Ensuite, alors que le déficit de l'Unedic atteint des records, l'exécutif accorde un prêt au régime d'assurance chômage alors géré par la CFDT... Qui se contentera de déplorer le manque de concertation sur les retraites. 1995, la grève par procurationLe pays bloqué pendant plus de trois semaines entre la fin novembre et la mi-décembre, un soutien de l'opinion publique qui ne se dément pas en dépit des difficultés à se déplacer... En lançant simultanément une réforme des régimes spéciaux de retraite et de l'assurance-maladie, Alain Juppé, alors locataire de Matignon, fait l'unanimité contre lui. Son inflexibilité au nom de la « rigueur » passe d'autant plus mal que, quelques mois plus tôt, Jacques Chirac a été élu président de la République sur le thème de la « réduction de la fracture sociale ». En 2007, en revanche, lorsque Nicolas Sarkozy lancera une nouvelle réforme des régimes spéciaux, les cheminots ne bénéficieront pas du même soutien de l'opinion publique, qui juge le conflit « corporatiste ».2003, gros cortèges et division syndicaleLa réforme menée par François Fillon, en charge des affaires sociales, et Jean-Pierre Raffarin concerne surtout les fonctionnaires, avec un alignement progressif sur la durée de cotisation en vigueur dans le privé (40 ans). Mais pour éviter un scénario comparable à celui de 1995, le gouvernement a pris soin d'exclure les régimes spéciaux de l'application des nouvelles règles. Et sa communication laisse longtemps penser aux salariés du privé qu'ils ne sont pas concernés. Le ralliement de la CFDT au projet gouvernemental en échange d'un geste sur les carrières longues sonne le glas de l'unité syndicale. Après l'apogée du 13 mai, les manifestations de juin lancées par la CGT et FO marqueront le reflux du mouvement de protestation...
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