Le modèle chilien peut servir d'exemple

Que diriez-vous si l'État décidait un beau jour de vous confisquer votre assurance-vie ou votre compte bancaire pour le mettre dans un pot commun, au nom d'une solidarité nationale?? Vous seriez sans doute révolté?! C'est pourtant le traitement réservé à « nos » retraites depuis cinquante ans. Après avoir longtemps négligé ce dossier, le gouvernement va s'y atteler enfin. Il est cependant fort regrettable que, une fois de plus, le politique ne propose que de modifier à la marge un modèle qui a vécu. Ainsi, le ministre du Travail, Éric Woerth, a confirmé récemment que le régime de répartition est « un élément irremplaçable de notre modèle de protection sociale ». Au lieu de reconnaître le besoin urgent de changer de système, nos gouvernants refusent de regarder les faits. Nous courons à la faillite. On peut l'éviter... à condition d'adopter un régime qui fonctionne à merveille parce que fondé sur la responsabilité et l'épargne individuelle. Un tel système existe dans une trentaine de pays dans le monde. Ainsi, en 1981, le Chili est passé d'un système de retraites par répartition exsangue à celui d'un régime par comptes épargne privés, suite à un plébiscite massif de la population active chilienne. Voici comment. 1/ Au lieu de promettre des prestations à verser dans un avenir lointain, il faut fixer dès le départ les contributions à payer. Au Chili, il est toujours obligatoire de s'assurer pour la vieillesse, mais chacun est libre de choisir les modalités de sa retraite. La cotisation obligatoire est de 10 % du salaire mensuel, ce qui vise à assurer une retraite d'au moins 50 % du revenu d'activité. Ce montant est ensuite enregistré sur un livret personnel d'épargne retraite. Étant donné que l'épargne devient une affaire individuelle, il est tout à fait possible de prendre une retraite choisie à l'âge voulu, à condition toutefois de disposer d'au moins 120 % de la retraite minimum légale. Et chacun est libre de cotiser davantage (jusqu'à 20 % du revenu) pour avoir une pension plus élevée. Par ailleurs, on révèle et diffuse largement le concept de salaire complet, puisqu'on abolit en même temps la division fictive entre les cotisations du salarié et celles de l'employeur.2/ La mise en place de fonds de pension en libre concurrence - les Administrateurs de fonds de pension (les AFP) - souligne qu'il appartient au marché de gérer l'accumulation des capitaux, même si l'épargne retraite est obligatoire. Soulignons que les AFP sont juridiquement distincts des capitaux qu'ils gèrent. De même, ils sont tenus à un rendement minimum légal et l'épargnant reste libre de transférer son argent d'un fonds à un autre. La faillite d'un AFP est exclue?: en cas de déficit par rapport au minimum légal, l'État se charge de combler la différence. L'ensemble du système est contrôlé par un organisme de surveillance, indépendant de l'État et des AFP.3/ À la retraite, chaque salarié dispose de deux options. Soit, il investit son capital dans une rente viagère chez une compagnie d'assurance. Soit, il laisse son capital chez l'AFP qui lui verse alors une pension mensuelle. Des retraits exceptionnels sont aussi possibles en fonction du capital disponible par rapport au minimum légal.Le gouvernement chilien a eu l'intelligence de laisser aux travailleurs le choix d'adhérer au nouveau système ou, au contraire, de rester dans le régime de répartition (mais tout nouvel entrant sur le marché du travail est soumis au nouveau dispositif). Après vingt-huit ans d'existence, le système affiche une santé financière et une adhésion populaire éclatantes. Grâce à un rendement annuel moyen (hors inflation) de 8,9 %, le régime de comptes personnels bénéficie depuis son début d'un statut quasiment intouchable au niveau politique. Et l'ancienne présidente Michelle Bachelet a étendu le système pour couvrir les travailleurs indépendants. Si nos problèmes actuels résultent d'une erreur fondamentale de conception (à savoir la gestion publique et donc politisée), il suffit de changer de système?! n(*) L'auteur est traducteur et préfacier du livre « le Taureau par les cornes?: comment résoudre la crise des retraites », par José Piñera, ancien ministre chilien du Travail et des Retraites (Éditions Charles Coquelin, Paris 2008).Point de vueJacob Arfwedson (*)
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