Un déficit de logements qui reste patent

La crise immobilière a fait depuis un an plus d'une fois la une des journaux. Mais elle a occulté la crise du logement, bien plus ancienne et plus grave. La Fondation Abbé-Pierre chiffre à 3,49 millions le nombre de mal-logés en France et à 800.000 le déficit global d'habitations dont 500.000 logements sociaux. Une crise liée à « une construction insuffisante ou inadaptée aux ressources des ménages », comme le résumait récemment dans une interview au « Moniteur » Thierry Repentin, président de l'Union sociale pour l'habitat, qui fédère les organismes HLM.Dans ce contexte, l'effort de la Caisse des dépôts en faveur du logement social est bienvenu. De fait, les organismes HLM, à qui elle accorde des prêts, ont notablement accru leur production depuis le début de la décennie. « Depuis 2002, la construction locative sociale a connu une formidable remontée : le nombre de mises en chantier de logements locatifs sociaux est passé de 35.000 en 2001 (un point bas qui n'avait jamais été vu depuis 1954) à 68.000 en 2008 ? 78.000 étant attendus en 2009 », révèle Michel Mouillart, professeur à Paris X Nanterre. Les affirmations de Thierry Repentin selon lesquelles 2009 marquera un record avec 120.000 nouveaux logements sociaux (dont 91.500 logements locatifs HLM) doivent toutefois être prises avec prudence. En 2008, 105.000 logements locatifs sociaux avaient obtenu un agrément ; seuls 68.000 avaient été mis en chantier.Les freins à la construction de logements sociaux restent nombreux. Le manque de terrains urbanisables et plus encore leur coût élevé en est un ? surtout dans les zones dites tendues comme l'Île-de-France, où non seulement le foncier est plus onéreux mais où il est aussi plus cher de construire. Le malthusianisme choquant de certains maires est aussi en cause. Sur 720 communes où s'applique la loi SRU pour le logement social, 384 comptaient ? à fin 2006 ? moins de 10 % de logements sociaux et 161 moins de 5 %, d'après une étude de la Fondation Abbé-Pierre.défiscalisation priviligiéeLes problèmes de financement demeurent patents. Les organismes HLM s'alarment de la réduction des aides à la pierre, passées dans le budget de l'État de 850 millions en 2008 à 500 millions en 2009 et qui pourraient tomber à 350 millions en 2010. Les logements sociaux sont certes financés à près de 70 % par l'emprunt, mais le solde doit être apporté par les collectivités locales, les organismes HLM et l'État, dont la contribution est déjà très modeste.La Fondation Abbé-Pierre déplore, à cet égard, que « les pouvoirs publics privilégient des mesures de défiscalisation [à l'image du dispositif Scellier, Ndlr] qui facilitent le développement du parc locatif privé à des niveaux de loyers totalement inaccessibles au plus grand nombre » au lieu d'investir massivement dans le logement social, rappelant que le coût moyen pour l'État d'un logement locatif « très » social est très inférieur à celui d'un logement locatif privé type Scellier (36.482 euros contre 75.000 euros).Mais la production de logements sociaux elle-même n'est pas toujours adaptée. Le nombre de logements sociaux « haut de gamme », inaccessibles aux ménages les plus modestes, a été multiplié par 4,2 entre 2001 et 2008 alors que le nombre de logements «très sociaux» n'a cru que de 1,2 fois dans le même temps. Enfin, s'interroge Michel Mouillart, comment justifier que l'État dégage de nouveaux budgets alors que, révèle-t-il, « 60.000 personnes occupant le parc HLM appartiennent aux 10 % des ménages les plus riches de France et 430.000 aux trois derniers déciles de revenus ? » Sophie Sanchez
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