Virage à 180 degrés sur la taxe Google

Le déjeuner entre Nicolas Sarkozy et les entrepreneurs du Net, comme Xavier Niel (Free), Jacques-Antoine Granjon (Vente-privée) ou Daniel Marhely (Deezer), ce jeudi, s'annonce détendu et convivial. Contre toute attente, le gouvernement a fait reporter mercredi dans la loi de finance 2011 l'entrée en vigueur au 1er janvier de la « taxe Google » sur la publicité en ligne, pourtant actée en début de semaine par la commission mixte paritaire des deux assemblées parlementaires. Officiellement, le ministre du Budget, François Baroin, souhaite « reporter de 6 mois » l'entrée en vigueur de ce prélèvement, « le temps de poursuivre les discussions » avec les acteurs et « définir les modalités de l'instruction fiscale ». En théorie, la taxe sera donc appliquée le 1er juillet 2011, et non le 1er janvier. En réalité, ce report pourrait présager de sa suppression pure et simple, même si une volte-face complète reste politiquement difficile après le vote du Parlement. Cible manquée« Nous avons encore deux fenêtres de tir, en mars et en juin, lors des projets de loi de finance pour faire retirer définitivement l'amendement », espère un lobbyiste. À Bercy, on affirme déjà que cette taxe « ne correspond pas complètement à l'objectif fixé », à savoir la pénalisation du moteur de recherche, ultra dominant dans la publicité en ligne (cf. « La Tribune » du 15 décembre). De fait, ce prélèvement consiste non pas à taxer Google, mais les annonceurs à hauteur de 1 % de leur dépenses publicitaires sur les « services de publicité en ligne », comme Google, AOL mais aussi PriceMinister ou DailyMotion. Objectif théorique : les inciter à équilibrer leurs investissements vers d'autres médias. Ce revirement est à mettre sur le compte d'un changement de position in extremis au Sénat, pourtant initiateur de la taxe. Jean Arthuis, qui avait voté le dispositif, soutenant le rapporteur Philippe Marini, a appelé Matignon mardi. « J'ai alerté François Fillon pour lui demander de déposer un amendement. Je me suis rendu compte que ce n'était pas la bonne réponse à apporter au problème. Imposer les entreprises françaises, c'est prendre le risque de les voir partir à l'étranger », indique à « La Tribune » le président de la commission des Finances du Sénat. Le sénateur est pourtant un sévère pourfendeur des géants du numérique installés dans des zones fiscales avantageuses comme le Luxembourg ou l'Irlande. Mais « la solution, c'est que la TVA soit payée dans le pays où se trouve le consommateur. Il ne peut donc y avoir qu'une réponse européenne », affirme le sénateur.Pour arriver à ce résultat, le lobbying du Net - en particulier l'Asic, qui représente les plate-formes comme Dailymotion - et l'UDA (l'Union des annonceurs) n'a pas ménagé ses efforts pour porter la bonne parole chez Christine Lagarde, Éric Besson ou François Baroin, toquant même à la porte de l'Élysée où une rencontre a eu lieu avec le conseiller économique de Nicolas Sarkozy Emmanuel Moulin. Les pouvoirs publics ont fait la sourde oreille jusqu'à l'offensive médiatique du début de la semaine. Une tribune publiée dans nos colonnes baptisée « Le spectre du Silicon désert » signée par 67 entrepreneurs du Net a fait resurgir le débat sur la scène.
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