Toute toute première fois

C'est d'avoir trop rêvé les lendemains qui chantent qu'Olivier Rolin est entré en littérature - dans ce qu'il nomme « les années de gueule de bois » de l'après-Mai 68. Membre dirigeant de la Gauche prolétarienne, responsable de son bras armé, Olivier Rolin ne pouvait se satisfaire de l'ordre du monde. Né au Sénégal le 17 mai 1947, élève de Louis-Le-Grand, diplômé de Normale Sup en lettres et en philosophie, devenu journaliste et éditeur au Seuil, il s'est lancé dans la traque des mots pour mieux vivre avec ses désillusions. Son premier livre « Phénomène futur », publié en 1983, évoque ces années de jeunesse. Vingt ans plus tard, dans « Tigre en papier » couronné du prix France Culture, il revient sur « ces Pieds Nickelés aventureux ». Avec son physique d'ours, massif (à l'inverse de son longiligne frère cadet, Jean Rolin, également grand écrivain, prix Médicis 1996 pour « L'Organisation »), Olivier Rolin possède l'étoffe des aventuriers. Une ressemblance avec Joseph Kessel. Le même amour de l'ivresse, du goût pour la géographie des lointains. Avec sa « gueule de morse, » comme il se décrit lui-même au réveil après une soirée trop embuée, il se sent « mal placé, déplacé » tel le titre de son livre. L'auteur aime à vagabonder autour de la planète : en Amérique du Sud pour « un Chasseur de lions », en Afrique pour « Port Soudan » (Prix Fémina 1994), au fil du Nil avec « Méro頻, en Azerbaïdjan dans « Suite à l'hôtel Crystal » et « Bakou, derniers jours ». En juin, il a rejoint le Transsibérien des écrivains, d'Irkoutsk à Vladivostok ; tout juste décoré du prix Paul Morand de l'Académie Française, il rêve du détroit de Béring. La Russie est devenue pour lui une autre terre d'attache. Il promeut la littérature à Moscou lors de conférences où il invite des écrivains contemporains français à lire un texte du répertoire classique devant un auditoire toujours aussi avide de la langue de Voltaire. Il y a du Rabelais dans cet homme : sauvage, gouailleur, tempétueux, blagueur comme un gamin, il va et vient dans le grand lexique du langage. Son obsession ? Traquer les mots justes. « Décrire, évoquer, susciter avec le plus de précision possible, des lieux, des situations pour échapper aux lieux communs, agripper les choses, sculpter à grands coups de masse et de burin, dans la pierre des mots. La langue est une assignation à résidence », répète-t-il au fil des interviews. Écrire est une lutte, « une tauromachie » dont il ressort épuisé. Mais « tailler au monde un grand costume de vocables » est ce qui satisfait le mieux son besoin d'épique. Une façon de rester fidèle à ses illusions, de faire de sa vie une aventure. I. Lefort? Pour en savoir plus : www.olivier-rolin.com ; blogs.arte.tv/le poing et la plume. À écouter également, son récit de voyage à bord du Transsibérien, tous les jours jusqu'à ce jeudi 19 août, à 13 h 30, sur France Culture.? Demain : Jean-Claude Hellena, son premier parfum.
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