Un ordre monétaire sans gendarme

Mais qui donc, dans ce monde multipolaire, pourrait prendre la casquette de gendarme du système monétaire international, pour éviter à la planète que la guerre des monnaies ne tourne à la guerre commerciale ? Entre 1944 et 1973, c'était clair : le FMI avait été créé pour empêcher les dévaluations compétitives et devait approuver toute dévaluation. Mais depuis l'adoption d'un système de changes flottants en 1973, ses pouvoirs se sont réduits et il ne dispose d'aucun instrument pour forcer la main à ceux qui mènent une politique de change déloyale. Quant à l'OMC, même si la manipulation des changes est la première arme de politique commerciale, elle ne connaît pas la notion de protectionnisme monétaire et s'en tient à celle de protectionnisme douanier. Son directeur, Pascal Lamy, continuait donc d'affirmer, début septembre : « Le risque protectionniste a été maîtrisé... » En fait, il existe dans les statuts de l'OMC un dispositif permettant de sanctionner un pays pratiquant une politique de change XX, mais il ne pourrait être actionné qu'après un vote, à la majorité qualifiée et sur un même texte, des assemblées du FMI et de l'OMC... Inutile de dire que l'arme est inutilisable.Les gendarmes potentiels étant désarmés, reste la capacité des États des 20 pays les plus puissants à s'entendre sur un rééquilibrage. C'est la stratégie de la France depuis toujours, et celle de Nicolas Sarkozy qui cherche à avancer par un consensus pour arriver à une plus grande stabilité des monnaies. Le problème, c'est qu'il n'existe pas, à ce jour, d'accord sur l'origine de la guerre des monnaies. Les uns, autour des États-Unis, de l'Europe, et du Japon, pointent la non-convertibilité du yuan et sa parité fixe avec le dollar. Ils voudraient forcer Pékin à réévaluer sa monnaie et lui imposer de la rendre convertible. « Comme en 1971, pour se faire respecter, on n'échappera pas à la manière forte consistant à relever les droits de douane, estime Antoine Brunet, d'AB Marchés. Mais il faut le faire au niveau du G7. » Les autres, autour de la Chine, de la Russie, du Brésil, et en partie de la France, estiment que les fluctuations de changes viennent en fait des flux de capitaux colossaux issus des États-Unis. « On ne parviendra à rééquilibrer les changes que si l'on obtient en parallèle des États-Unis de restreindre leur politique monétaire, et de la Chine d'ouvrir vraiment son marché intérieur, estime l'économiste Patrick Artus. Mais cela est totalement irréaliste. » Valérie Segond
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