Un modèle innovant pour dépolluer les sites industriels

L'histoire du nouveau quartier inauguré ce lundi à Évreux n'est pas banale. Cette première tranche de 300 logements a en effet été construite sur un site de 10 hectares en lisière du centre-ville, autrefois occupé par Philips et Carbone Lorraine (depuis rebaptisé Mersen). Toute activité y avait cessé depuis pas moins de cinq ans, mais le site, pollué aux solvants, était resté inutilisé. Les réglementations européenne et française prévoient une remise en état relevant de la responsabilité du dernier exploitant avant la cession. Mais « les industriels ont tendance à jouer la montre », observe Patrick Viterbo, l'un des fondateurs de la société Brownfields. D'autant plus qu'il leur faut se mettre d'accord avec la collectivité locale et le nouveau propriétaire sur l'usage futur, qui déterminera la nature des travaux de dépollution à effectuer, plus complexes et coûteux pour des logements ou des écoles que pour des parkings, voire des usines. Alors que le cédant a tendance à s'en tenir à une dépollution a minima correspondant à un usage industriel, les collectivités veulent au contraire récupérer des terrains permettant un usage le plus large possible. Car la plupart des terrains concernés sont des friches qui se trouvent désormais dans les villes et constituent potentiellement des solutions à la crise du foncier, une fois réglée la problématique de la dépollution. À ce jour, on compte quelques centaines de milliers de sites pollués en France, depuis la station-service jusqu'aux sites du ministère de la Défense, tandis que les prix du foncier flambent. Rôle moteur de l' immobilier C'est ce constat qui a présidé à la création de Brownfields. Par opposition aux « greenfields », désignant des terrains encore vierges, les « brownfields » ou friches, sont des terres qui ont déjà servi et en portent les stigmates. Fondée notamment par des anciens de Sita, avec le soutien financier de Colony Capital et Eurazeo, Brownfields se veut le maillon manquant entre les industriels et les pollueurs. Elle réunit des compétences en matière de dépollution et d'immobilier et propose des solutions clés en main aux premiers comme aux seconds. « C'est l'immobilier qui tire la dépollution », affirme Patrick Viterbo. Brownfields achète donc aux industriels des sites inutilisés et pollués, conçoit leur aménagement, les propose à un promoteur et, après validation du projet par ce dernier, procède à leur dépollution en fonction de l'usage futur. « Il s'agit d'identifier la valeur des terrains compatible avec le projet et d'évaluer au plus juste le coût de la dépollution, sachant qu'un inventaire complet est impossible », précise Patrick Viterbo. Elément clé du dispositif, très rassurant pour les deux parties, Brownfields endosse la responsabilité environnementale à long terme. Le site d'Évreux a été le premier des 12 sites acquis par Brownfields ou sous promesse en trois ans d'activité, soit 20 hectares de friches à reconvertir. Mersen, qui avait cessé toute activité industrielle sur son site d'Évreux et n'y avait aucun projet, a été séduit par la solution complète proposée par Brownfields. « Nous avions reçu des propositions financièrement plus élevées, mais la dépollution restait à notre charge, or ce n'est pas notre métier », témoigne Jérôme Sarragozi, directeur juridique du groupe.
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