Le laser, ou la lumière maîtrisée

LASER?: « Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation ». Cet acronyme anglais qui désigne, en langage courant, aussi bien un principe technique, que le rayon de lumière particulier qu'il permet de produire, est un terme qui a beaucoup voyagé. Pour écarter les Jedi et leurs sabres laser, ainsi que la confusion avec l'ampoule de la salle à manger, Jean-Michel Courty, chargé de mission au CNRS et professeur de physique à Jussieu, éclaircit les choses?: « Ce n'est pas une simple amélioration de la lampe à incandescence, c'est une manière nouvelle de produire de la lumière, et cette lumière ainsi produite a des caractéristiques totalement différentes de celles issues des sources classiques. »L'homme est donc capable de créer sa propre lumière. Et s'il ne lui suffit pas de proclamer « que la lumière soit », l'appareil technique qui lui permet de le faire est néanmoins très intuitif, bien que son fonctionnement repose sur des principes complexes de sciences fondamentales. En disposant deux miroirs face à face dans un cylindre résonnant, et en intercalant un « milieu amplificateur » entre les deux, on force les particules de lumière (photons) à faire des allers-retours entre les deux miroirs, et donc à repasser à l'infini dans le milieu amplificateur où elles se dédoublent à chacun de leurs passages. En très peu de temps (cela se passe à la vitesse de la lumière), l'onde lumineuse s'amplifie et devient un laser. Si l'un des deux miroirs n'est pas complètement réfléchissant, alors il laisse sortir du cylindre une partie de cette lumière amplifiée, ce qui constitue le rayon laser opérationnel.C'est Albert Einstein qui avait laissé entrevoir cette possibilité en 1917, lorsqu'il démontra l'existence alors inconnue d'un troisième type d'interaction entre lumière et matière?: en plus de l'absorption (l'atome absorbe un photon) et de l'émission spontanée (l'atome rejette le photon absorbé), il y a « l'émission stimulée », qui se produit lorsqu'un photon est absorbé par un atome « excit頻 (d'un niveau d'énergie supérieur à celui de l'état naturel) qui rejette ensuite non pas un mais deux photons, de même phase et de même direction (ils sont parallèles), tous deux identiques au photon initial (dit inducteur). Pour un certain niveau d'énergie de l'atome, l'interaction avec un photon de lumière aboutit donc à dédoubler ce photon avec une trajectoire rectiligne. C'est là le principe physique à l'origine du laser. Par la suite, il ne s'agit plus que de mettre en pratique cette découverte majeure, de se servir de l'émission stimulée dans le but d'amplifier de la lumière. En 1950, le Français Alfred Kastler met au point la méthode du « pompage optique », qui consiste à éclairer une matière avec un flux lumineux pour que la majorité de ses atomes passe d'un niveau d'énergie minimal à un niveau d'énergie excité. Il devient ainsi possible de préparer un milieu où les atomes sont excités et donnent lieu à une émission stimulée, c'est-à-dire de créer un milieu amplificateur de lumière. En 1953, l'Américain Charles Townes met au point le maser (avec le m de microwave), qui permet d'amplifier un rayonnement micro-onde. Il pose ensuite les bases théoriques d'un « maser optique », sur lesquelles travailleront les chercheurs lancés dans la course au laser.C'est un jeune physicien de 32 ans, l'Américain Theodore Maiman, qui bricole en 1960 le premier laser à solide. Il avait choisi le cristal de rubis pour milieu amplificateur, ce qui explique la couleur rouge du rayon. Depuis cette date anecdotique (le compte rendu de l'expérience de Theodore Maiman fut rejeté par la prestigieuse revue « Physical Review Letters ») mais fondatrice, les scientifiques et inventeurs n'ont eu de cesse de décliner la gamme des différents lasers, en faisant varier la méthode de pompage (optique, électrique ou chimique), la matière constituant le milieu amplificateur (solide, liquide ou gazeuse), ainsi que la longueur d'onde (et donc les couleurs, de l'ultraviolet à l'infrarouge en passant par tout l'arc-en-ciel).Au début des années 1960, les inventions commencent à s'enchaîner. Les lasers offrent des potentialités inédites?: ils peuvent être focalisés sur de très petits volumes, afin d'y créer une immense concentration d'énergie, ou transporter de la lumière sur de très grandes distances du fait de leurs faisceaux parallèles et rectilignes. Et tout cela, à la plus grande vitesse qui soit, celle de la lumière. Les progrès n'ont cessé pour diversifier les applications du laser, augmenter sa puissance ou abaisser son coût. Dans l'industrie (automobile, aéronautique, construction navale, électronique...), on augmente la concentration du rayon laser et on le focalise par une lentille sur une aire très localisée. Sa vitesse et sa précision, ainsi que l'apport de chaleur et d'énergie qu'il provoque, sont tels, qu'il permet de souder, marquer, graver, percer, décaper ou découper tout type de matériau (papier, textile, plastique, verre, bois, métaux, acier, etc.). Et cela, sans contact mécanique, ce qui réduit les dommages collatéraux (déformations, corrosion), retire le besoin de fixer les pièces usinées, et permet de travailler sur des endroits difficiles d'accès.Pour la médecine, l'objet change, le laser devient le scalpel à tout faire des médecins. En ophtalmologie, les lasers pilotés par informatique permettent des interventions moins risquées (presbytie, myopie). En esthétique, ils servent pour l'épilation, le traitement de l'acné, des rides, des taches de vin, des cicatrices et des tatouages indésirables. En cancérologie, la photodestruction ciblée permet de tuer des cellules malades qui absorbent des marqueurs placés sur le laser, tout en laissant intactes les cellules saines qui ne les absorbent pas. On peut également employer des faisceaux laser comme pinces et ciseaux optiques permettant de manipuler des chromosomes.Le laser permet aussi de communiquer, et sa vitesse le rend particulièrement adapté au code binaire (0-1, on-off). C'est en 1982 que les premiers disques compacts (CD) laser voient le jour. Pour la gravure, l'échauffement d'un laser déforme la surface du disque, ou bien y provoque une réaction chimique qui en modifie les propriétés réfléchissantes. Pour la lecture, un laser de 1 mW est focalisé sur le disque en rotation, dont le pouvoir de réflexion en chaque point est codé en fonction du signal à restituer (son, image, message informatique). Surtout, l'invention du laser à fibre optique par l'Américain Elias Snitzer en 1963 et les travaux du Chinois Charles Kao (nobélisé en 2009) sur la transmission de lumière dans les fibres optiques ont permis l'essor d'Internet et du transport d'images haute définition, c'est-à-dire la révolution numérique.Aujourd'hui à chaque instant, dans les réseaux de fibres optiques reliant le monde entier, parfois sous la mer, les diodes laser s'allument et s'éteignent des milliards de fois par seconde pour transmettre une information codée en « un » (détection de lumière) et en « zéro » (absence de lumière), à la vitesse de 300.000 km par seconde.Michaël Cal
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