Pourquoi Berlin s'intéresse tant aux élections italiennes

L\'Allemagne s\'immisce dans la campagne italienne. A cinq jours du scrutin, le ministre allemand des Affaires étrangères, le Libéral Guido Westerwelle, a affirmé ce mardi que « tout en ne prenant pas partie dans la campagne italienne », le gouvernement fédéral allemand « compte sur le fait que celui qui formera le prochain gouvernement poursuivra la politique pro-européenne de réformes nécessaires. »Berlusconi réduit son retardIndirectement, c\'est une mise en garde contre la tentation des Italiens de voter en faveur de Silvio Berlusconi qui a mené tambour battant et avec succès une campagne centrée sur les critiques de l\'austérité « à la Monti » et de la politique européenne. Le Cavaliere a multiplié les provocations et la démagogie pour occuper le terrain médiatique. Les derniers sondages connus avant l\'interdiction de leur publication, le 10 février, donnaient 5 points de retard à la coalition Berlusconi face à la coalition de centre-gauche de Pier Luigi Bersani. Un écart devenu minime qui inquiète beaucoup à Berlin, car la coalition arrivée en tête du scrutin raflera automatiquement la majorité des sièges à la chambre des députés.La crainte d\'Angela MerkelOr, Angela Merkel, qui s\'est longtemps accommodée de Silvio Berlusconi, ne veut plus en entendre parler. Pour un raison simple : c\'est désormais un épouvantail pour les marchés. Le retour du Cavaliere signifierait une augmentation rapide de la prime de risque italienne et, partant, mettrait à l\'épreuve le dispositif de rachats illimités d\'obligations souveraines de la BCE, l\'OMT. Mais il faudra alors que l\'Italie demande une aide au MES et se plie aux exigences de la Troïka. C\'est la condition pour bénéficier de l\'OMT. Il faudra aussi que le Bundestag accepte cette aide du MES et la monétarisation de la dette italienne. Un débat à haut risque à quelques mois des élections fédérales allemandes de septembre. Un débat où l\'opposition ne manquerait pas de souligner que la politique européenne de la chancelière a subi une défaite lourde dans la Péninsule. On comprend donc qu\'Angela Merkel ne soit guère enthousiasmée par le retour au pouvoir du champion du « bunga-bunga. »La CDU à l\'offensive contre le cavalierePour être, du reste, tout à fait clair sur le sujet, un député CDU au Bundestag, président de la commission des Affaires étrangères, Ruprecht Polenz, a déclaré à la Süddeutsche Zeitung : « l\'Italie a besoin d\'un dirigeant centré sur le futur. Ce n\'est certainement pas le cas de Silvio Berlusconi. » Et d\'ajouter : « il en va de la crédibilité et de la confiance dans l\'Italie. » Le message est clair : voter pour Berlusconi, c\'est voter contre l\'Europe et contre l\'Allemagne.Plutôt Monti que BersaniSilvio Berlusconi a en effet mené campagne contre une Europe « centrée » sur et « dirigée » par l\'Allemagne. Ses concurrents, Pier Luigi Bersani et Mario Monti, ont au contraire promis la poursuite des « réformes », autrement dit de la politique de dévaluation interne fortement recommandée par la BCE, Berlin et Bruxelles. Mais Angela Merkel n\'est pas forcément très à l\'aise avec Pier Luigi Bersani qui a inclus dans sa coalition Nicchi Vendola, le président de la région des Pouilles, ancien communiste orthodoxe de Rifondazione Comunista. Elle craint également que le centre-gauche ne soit tenté de trop adoucir l\'austérité et, au niveau européen, de soutenir François Hollande. La chancelière préfèrerait donc conserver Mario Monti. Et l\'ironie de cette affaire, c\'est que Silvio Berlusconi peut l\'aider à réaliser son rêve.Comment conserver Monti ?En effet, l\'Italie est un régime bicaméral parfait. Les lois doivent être adoptées au Sénat et à la Chambre. Or, au Sénat, la prime majoritaire est donnée par régions. La remontée de Silvio Berlusconi, si elle reste mesurée, peut cependant priver le centre-gauche d\'une majorité au Sénat. Du coup, Pier Luigi Bersani pourrait être contraint de s\'allier au centre de Mario Monti pour former un gouvernement. Au pire, le Professore deviendra ministre des Finances, au mieux même, il pourra exiger de demeurer président du conseil. Mais au final, il sera encore là pour garantir la poursuite de la politique engagée depuis novembre 2011 en politique intérieure et extérieure.Immixtions fréquentesL\'intervention de Berlin vise donc d\'abord à mobiliser les électeurs pro-européens derrière Mario Monti. Il est, du reste, à noter, que la crise de la dette a conduit l\'Allemagne d\'Angela Merkel à intervenir plus directement dans les campagnes électorales des pays de la zone euro. Berlin hésite de moins en moins à choisir « ses » candidats, autrement dit ceux qui défendent sa vision de la stratégie de lutte contre la crise et qui, en passant, défendent également ses intérêts financiers - puisque l\'Allemagne a la plus importante part des garanties dans le MES et le FESF. Enfin, Angela Merkel songe toujours à protéger ses intérêts électoraux. En 2012, la chancelière avait clairement boudé le candidat Hollande en France et avait songé à participer à des meetings du candidat Sarkozy - un projet ensuite abandonné. En Grèce, Berlin avait clairement affiché son soutien à Antonis Samaras lors du scrutin de juin 2012 face à Syriza, la gauche radicale. Plus récemment, le candidat conservateur chypriote arrivé en tête, Nikos Anastasiades, avait fait campagne en mettant en avant son amitié avec Angela Merkel, sans que celle-ci ne s\'en émeuve. Cette stratégie montre clairement que l\'Allemagne a désormais également une influence politique dans les affaires intérieures des pays de la zone euro. C\'est la conséquence logique de la crise. 
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