Pour une politique industrielle décentralisée

L'inauguration officielle ce mardi par le président de la République de la nouvelle usine de Turbomeca à Bordes tourne les projecteurs sur le plus gros investissement régional français en faveur de l'industrie et de la formation. Turbomeca est en effet le symbole d'un pari réussi, la preuve que les délocalisations ne sont pas inéluctables.En 2003, devant le risque de voir leur usine obsolète supplantée à terme par un établissement moderne dans un pays à bas coûts, les dirigeants de Turbomeca ont proposé à la Région d'anticiper et d'investir massivement pour construire une nouvelle usine dotée des équipements de recherche et de production à la pointe de la technologie. L'attentisme aurait menacé des milliers d'emplois. L'idée était donc de recréer une dynamique positive autour de la nouvelle usine de Turbomeca en soutenant les projets de R&D, en mutualisant les services, en faisant de la formation des salariés et de la politique de recrutement un véritable atout concurrentiel pour la filière aéronautique du Sud Aquitaine. C'est dans ce cadre que la Région a expérimenté une plate-forme inédite d'orientation vers les métiers de l'aéronautique pour former les futurs salariés du site industriel. Le volontarisme politique et financier (20 millions d'euros) du conseil régional a eu l'effet levier escompté puisqu'il a convaincu le groupe Snecma-Safran d'investir plus de 100 millions dans le projet, entraînant les autres acteurs publics : Département (7,5 millions), Europe (6 millions), État (4 millions).L'exemple de Turbomeca démontre qu'une politique industrielle intelligente est possible, à condition d'être présent sur le terrain et de valoriser les compétences, humaines comme technologiques. Les régions en font chaque jour la démonstration. La région Aquitaine travaille depuis douze ans au décloisonnement des mondes de l'université, de l'entreprise et de la formation, et à la structuration des filières industrielles. Elle consacre 9 % de son budget à l'innovation. Elle aide les PME à grandir en leur donnant accès à des capitaux patients, en appuyant leur démarche à l'international, en soutenant la formation continue des salariés mais aussi en préparant les emplois de demain dans les lycées, les IUT, les CFA, etc.Nous créons ainsi un cercle vertueux pour le développement économique régional basé sur la recherche, l'innovation, la valorisation, le transfert, la diversification, l'export et la formation. Cette politique de la persévérance et de la proximité porte ses fruits puisque, pendant la crise, « l'Aquitaine se situe parmi les régions qui semblent avoir le moins souffert en France » (Insee, mars 2010).Aujourd'hui, l'État doit faire confiance aux régions pour relancer la croissance. Chacun a un rôle à jouer. Il importe notamment que l'État réponde au besoin criant de fonds propres des PME, dont la taille reste limitée faute de capitaux patients et accessibles. Nous attendons également de l'État qu'il fixe le cap et fasse des choix stratégiques pour l'avenir industriel de la France. Le grand emprunt est ainsi un formidable outil de rattrapage technologique mais seules les régions pourront prendre le relais pour transformer ces technologies en emplois sur le territoire.Là encore, la politique que la Région a engagée avec les grandes entreprises d'Aquitaine est significative : nous appuyons le développement de PME autour de grands groupes pour mutualiser la R&D et le transfert de technologie afin d'accompagner ces PME dans la diversification de leurs activités et de leurs débouchés. L'objectif est de parvenir à la cotraitance plutôt que la sous-traitance. Par exemple, autour d'EADS-Astrium, le travail de recherche sur les matériaux composites utilisés en aéronautique est appliqué à la conception de pales d'éolienne, permettant ainsi aux PME de la filière de profiter du boom des énergies renouvelables.Aujourd'hui, la crédibilité de la croissance française a besoin d'une politique industrielle décentralisée où l'État fixe les grandes orientations qui seront mises en oeuvre par les régions. Encore faut-il qu'État et régions aient les moyens d'agir en complémentarité. La décentralisation est finalement la clé de l'efficacité.Point de vue Alain Rousset Président du conseil régional d'Aquitaine et président de l'Association des régions de France
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