Hermès, une pierre en son jardin

Hermès m'énerve ! Je suis sincèrement désolé de le dire brutalement, mais dans les déclarations des dirigeants d'Hermès face à l'offensive de Bernard Arnault, flotte un parfum d'ancien régime qui devrait inciter à la révolte ! Vous avez bien écouté ce qu'ils disent les patrons d'Hermès ? Patrick Thomas, par exemple, le gérant, il y a dix jours : « Quand vous trouvez dans votre jardin quelqu'un que vous n'avez pas invité, il est normal de se méfier. » Le marché, son jardin ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? J'avais jusqu'ici le sentiment que le marché était un espace public où se rencontraient l'offre et la demande. Vous me direz que c'est idiot, mais j'avais jusqu'ici le sentiment que l'on mettait sur le marché ce que l'on voulait vendre. À croire que les choses ne sont pas si simples. Allez, on arrête les faux-semblants : je veux bien parier que jamais la famille Hermès n'a considéré le marché comme une place d'échange. Pour eux ce n'est qu'une tirelire ! C'est que ça devient compliqué le capitalisme familial quand il s'agit d'acheter un hôtel particulier au petit dernier, et c'est donc à ça que sert le marché, donner un peu de liquidité au patrimoine. Un peu, pas trop. Juste de quoi affoler les manants, leur donner l'illusion qu'ils pourraient eux aussi participer au rêve. Quelqu'un a cru qu'il pouvait s'en servir autrement ? Scandale, nous dit la Place ! Mais c'est de considérer le marché comme son jardin qui est un scandale ! Avouez tout de même que la Bentley de Bernard Arnault n'est pas la plus moche. D'accord, elle s'est garée en force, d'accord elle a écrasé les massifs de rosiers sur les plates-bandes, mais il est difficile de nous dire qu'elle gâche le paysage.D'autres groupes ont résolu le problème autrement. Auchan, par exemple, s'est constitué sa propre Bourse privée. Un expert indépendant évalue régulièrement la valeur de l'entreprise et « l'action privée » Auchan évolue au gré de son verdict intransigeant. Belle solution, qui vous met à l'abri des mauvaises rencontres, mais ne vous fait jamais profiter du souffle délicieux de la spéculation, quand la valeur de l'entreprise monte à 50 fois les bénéfices. Je suis certain que jamais l'expert d'Auchan n'est monté si haut. Hermès a pris des risques, et vous connaissez l'adage : le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière... En l'occurrence la crémière s'appelle Bernard Arnault, j'admets qu'il est rare de le voir sourire.Le marché justement, qui regarde le remaniement avec des yeux forcément différents des nôtres : « On peut estimer que le maintien de Christine Largarde, c'est sans doute quelques dixièmes de point de base en moins pour la dette française », me dit Natacha Valla, chef économiste de Goldman Sachs à Paris. En clair, la France se finance à de meilleures conditions parce qu'elle a gardé son ambassadrice économique. Je vais vous le faire à la louche : sachant qu'en gros la France va lever 570 milliards sur les marchés l'année prochaine (source FMI), avec deux dixièmes de point de base on peut assez vite arriver à une économie de 500 millions à 1 milliard d'euros. Vous imaginez la pression si elle avait voulu partir ? C'est ce que gagne l'État sur les départs en retraite des fonctionnaires. Avouez que c'est vertigineux de rapprocher les deux. La masse d'efforts qu'il a fallu déployer sur les fonctionnaires, face au quart d'heure dont Nicolas Sarkozy a eu besoin pour dire à sa ministre qu'elle n'irait pas au Quai d'Orsay. Mais nos finances publiques en sont bien là. Dans un tel état, que seul l'irrationnel les gouverne.Par Stéphane Soumier, animateur de « Good Morning Business » sur BFM Radio
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