France-Allemagne : un tandem "contraint" de s'entendre

Alors que le couple franco-allemand célèbre le cinquantenaire du Traité de l\'Elysée, les dissensions entre les deux pays n\'ont jamais semblées aussi grandes. La polémique suscitée outre-Rhin lorsque la France a demandé le soutien de Berlin au Mali en témoigne...Marion Gaillard - Il ne faut pas juger le tandem Hollande-Merkel trop vite. Mais c\'est vrai qu\'on constate un certain effacement du couple franco-allemand. Ce qui est frappant, c\'est l\'absence d\'émotionnel dans le tandem actuel. On est loin des bains de foule de Charles de Gaulle et Conrad Adenauer, ou de ceux de François Mitterrand et Helmut Kohl... Il y a une désincarnation du couple. Et en dépit des déclarations diplomatiques sur la bonne entente entre Paris et Berlin, on a du mal à y croire. Le fait que le couple peine à exercer son leadership apparaît dommageable, car les peuples se nourrissent de cela. Pour le moment, ils ne voient qu\'un tandem \"contraint\" de s\'entendre.C\'est notamment le cas sur le plan économique, où on a vu un François Hollande contraint de suivre l\'Allemagne sur le pacte budgétaire alors même qu\'il l\'avait dénoncé pendant la campagne présidentiel. La domination économique de Berlin a-t-elle changé la donne?Non car cette domination économique de l\'Allemagne ne date pas d\'hier, et cela ne l\'empêche pas d\'envisager des compromis. Berlin a finalement accepté que la Grèce reste dans la zone euro, alors qu\'elle finance la plus grosse partie de l\'aide commautaire à Athènes. Sur l\'adoption par Hollande du pacte budgétaire, il ne faut pas oublier que lorsqu\'il était candidat à la présidentielle, il avait fait de la lutte contre les déficits une des pierres angulaires de sa politique. En outre, il y a adjoint un pacte de croissance, qui, même s\'il est largement insuffisant, apparaît comme une entorse au \"tout austérité\". Toutefois, ce décalage économique entre la France et l\'Allemagne est fondamental. D\'un côté, on a un décrochage de la compétitivité de France. De l\'autre, on a une Allemagne qui se porte mieux (+0,9% de croissance en 2012, Ndlr) grâce aux réformes Hartz. Par le passé, ce type de problème a déjà plombé les relations franco-allemandes. Le fameux \"tournant de la rigueur\" de Mitterrand visait notamment à rééquilibrer le couple. En 1981, Helmut Schmidt n\'avait pas caché sa méfiance à l\'égard de la politique de la France, ce qui avait agacé son homologue français...Justement, il semble que l\'histoire se répète. Début novembre, Die Zeit et l\'agence Reuters avaient annoncé que Wolfgang Schäuble aurait demandé aux \"sages\" (le Conseil des experts économiques outre-Rhin), de réfléchir à des propositions de réformes économiques pour la France. Même si Berlin a démenti.C\'est vrai. Mais le problème, c\'est que les deux modèles économiques sont différents. Et si l\'Allemagne se porte mieux, ses réformes Hartz ne sont pas pour autant incontestables. On le voit : cette politique s\'est traduite par un chômage bas, mais aussi par une hausse du travail partiel, des minijobs, et globalement, de la pauvreté.Ce décalage économique créée des dissensions dans l\'opinion. Il y a cette couverture de Bild après la perte du triple \"A\" chez Moody \'s se demandant si la France n\'est pas \"la prochaine Grèce\".Certes, et cette défiance affichée dans les médias n\'est pas de bonne augure : il y a actuellement un climat de méfiance et de french bashing en Allemagne.Sur la scène diplomatique européenne, on a vu François Hollande bouder Angela Merkel et s\'allier avec l\'Italie et l\'Espagne pour conditionner le pacte pour la croissance à des mesures visant à baisser le coût de la dette. Comment l\'interprétez-vous?François Hollande avait sans doute besoin de se démarquer clairement du couple Merkozie. Et tactiquement, il devait trouver des alliés pour la croissance. Il y toujours eu a une tentation d\'adultère chez tous les nouveaux dirigeants français ou allemands. Mais tous finissent par en revenir au couple. Celui-ci a un poids économique (plus de 40% du PIB de la zone euro, Ndlr) et une légitimité historique dont il est très dur d\'en sortir. D\'autant que depuis le Traité de l\'Elysée, les administrations françaises et allemandes sont très liées. Elles ont l\'habitude de travailler ensemble. C\'est quelque chose de très fort, d\'unique au monde.Mais quand le tandem en marche pas, l\'Union européenne semble faire du sur place. On peut citer le budget 2014-2020 dont les négociations trainent en longueur...C\'est une illustration. Entre Paris qui veut défendre ses aides agricoles et la politique de Berlin (qui souhaite limiter les dépenses à 1,1% du PIB communautaire, Ndlr), la France et l\'Allemagne sont rentrés dans le groupe des radins, ce qui n\'était pas le cas avant. Résultat, tous les pays membres campent sur leurs positions. Pourtant cette enveloppe budgétaire apparaît fondamentale pour l\'avenir de l\'UE. Quand on voit que même le financement d\'Erasmus - et plus largement de la recherche européenne - a été menacé...A moyen terme, pourrons-nous retrouver un véritable moteur franco-allemand au sein de l\'UE?Cela semble difficile. Angela Merkel est en campagne électorale. Il est logique qu\'elle veuille prendre un peu de distance avec François Hollande, un socialiste qui défend le SPD (les sociaux-démocrates, Ndlr). La situation actuelle n\'incite guère à l\'optimisme, même si les relations entre les dirigeants français et allemands mettent toujours du temps à se mettre en place.Lire aussi : France-Allemagne : la crise de la cinquantaine
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