Barack Obama, entre Capitole et Copenhague

L'opinion publique mondiale observe actuellement, avec attention, la façon dont le débat sur la santé se déroule sur la scène politique américaine, car il pèsera, à l'évidence, sur la suite du mandat de Barack Obama. Mais, derrière celui-ci, un autre dossier majeur, non moins crucial, attend au Sénat le président des États-Unis, celui de la transition énergétique. Barack Obama a incontestablement ouvert une nouvelle page dans la politique énergétique et environnementale des États-Unis. S'inspirant du programme « Repower America » d'Al Gore, le nouveau président a promu un modèle énergétique durable, visant à rendre en dix ans les États-Unis indépendants du pétrole. La double signification de « power » (pouvoir et énergie) prend ici tout son sens. Son objectif est à la fois de changer de système économique, en prenant en compte la question climatique, et de résoudre un problème d'indépendance énergétique. Dans son discours au Congrès du 24 février 2009, il affirma, ainsi, une position aux antipodes de celle adoptée par George W. Bush, qui estimait que la régulation des émissions de carbone ne pouvait que porter préjudice à l'économie américaine. L'idée que le CO2 est dangereux pour la santé publique est dorénavant reconnue par les responsables politiques américains, et un marché des permis d'émission couvrant 85 % des sources émettrices est en chantier. Barack Obama entend axer toute sa politique économique sur le renouveau énergétique, qu'il considère comme une réelle opportunité de croissance. Il défend une vision schumpétérienne de la reprise, pariant sur le progrès technologique pour rebondir. La nouvelle administration a ainsi décliné ses principaux domaines d'intervention dans un projet de loi conséquent (1.200 pages), « The American Clean Energy and Security Act », texte adopté à une courte majorité, le 26 juin, par la Chambre des représentants. La mobilisation des lobbies énergétiques a, en effet, entraîné dans son sillage 44 élus démocrates, principalement issus d'États « charbonniers », les « brown dogs », de zones rurales ou de régions marquées par l'industrie automobile. Symbole de ces hésitations, l'abstention des 7 représentants de l'Alabama, dont le démocrate Arthur Davis, pourtant ami de longue date du président, mais qui, visant le poste de gouverneur en 2010, considéra que « le système de marchés d'émission pénaliserait les régions industrielles qui perdraient des emplois ». Quant au lobby du pétrole, il est autant le fait du Texas et de l'Alaska que des compagnies pétrolières elles-mêmes, les fameuses « s?urs », dont l'influence au Capitole est toujours aussi importante. Bref, au vu de ces jeux d'influence croisés, tout l'enjeu de Barack Obama est d'articuler, d'ici à la fin de 2009, ces contraintes politiques internes avec ses ambitions internationales. Et, à l'approche de la conférence internationale de Copenhague sur le climat, le risque est grand d'être critiqué par son propre camp, plus soucieux de préserver la puissance industrielle américaine en phase de redémarrage que d'afficher des convictions environnementales. La lettre que lui ont adressée, le 7 août dernier, dix sénateurs démocrates, pour l'informer de leur intention de ne pas le suivre à l'automne, illustre l'étroitesse de ses marges de man?uvre. Les semaines qui s'annoncent vont être déterminantes pour les États-Unis, mais aussi pour le reste du monde. Sans les États-Unis, Copenhague ne sera qu'une grand-messe écolo-communicante ! Avec eux, et avec la participation de l'ensemble des grandes économies mobilisées pour la réduction des gaz à effet de serre, l'Europe, la Chine, l'Inde, on peut espérer des mesures concrètes. Comme le résumait fort justement, avant l'été, Ed Markey, l'un des rédacteurs de la loi, « le monde entier attend de voir si le président Obama va se rendre à Copenhague en tant que leader de la réduction des gaz à effet de serre et comme celui qui a su provoquer une révolution autour des emplois verts ». npoint de vue Michel Derdevet Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de P
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