La Mamounia célèbre la littérature marocaine

Non contente d'avoir mis le meilleur de l'artisanat et du design marocains en avant avec sa rénovation, La Mamounia, l'hôtel de Marrakech le plus mythique du Maroc, a choisi de rendre hommage à la littérature du royaume. Et de convier la presse, le 6 novembre dernier, pour la remise de son premier Prix littéraire, décerné par Guillaume Durand et son jury notamment composé de l'écrivain québécoise Denise Bombardier ou de Marc Dugain. L'occasion de découvrir à travers la dizaine d'ouvrages sélectionnés des auteurs passionnants, telle Saphia Azzedine (en compétition pour son avant-dernier roman « Mon père est femme de ménage » chez Léo Scheer) ennemie féroce et jubilatoire du politiquement correct. Ou encore Fouad Laroui (« Une année chez les Français » aux éditions Julliard) dont les souvenirs d'enfance hilarants nous plongent au coeur du Maroc cosmopolite de la fin des sixties. Mais c'est Mahi Binebine, l'un des plus grands plasticiens du pays, qui a été récompensé pour « les Étoiles de Sidi Moumen », incontestablement le livre le plus ambitieux de la sélection. Car l'auteur s'est glissé dans la peau des terroristes auteurs des attentats de Casablanca en 2003. D'une écriture classique magnifique, il raconte à la marocaine une histoire universelle. Rencontre. Que représente ce prix littéraire ?J'ai eu le prix du Roman arabe, à Paris. Là, c'est une reconnaissance à la maison. Mais voir La Mamounia décerner un prix sur un bidonville [Sidi Moumen est le plus grand bidonville de Casablanca, Ndlr], je trouve ça très sympathique !Comment avez-vous vécu les attentats de 2003 ?Ça a été le choc. Nous avions, au Maroc, la conviction d'être immunisés contre le terrorisme. Les gamins qui ont commis ces attentats étaient de Sidi Moumen. J'ai voulu comprendre. Alors je m'y suis rendu. Et ce que j'ai vu m'a terrifié. Si j'étais né là-dedans, j'aurais été une proie facile pour le pre- mier marchand de rêves venu. La première image que j'en garde pour- tant, c'est celle d'enfants heureux jouant au foot sur la décharge. Il y avait de la vie, de la joie. Et de la violence, banalisée, qui fait partie du quotidien. Le Maroc est un très beau pays. Pour qu'il le reste, il faut s'occuper des habitants de ces bidonvilles. Mais je crois que le pouvoir l'a compris.Comment avez-vous travaillé pour raconter cela ?J'ai eu beaucoup de mal à écrire ce livre. Le risque, c'était de justifier l'injustifiable. Ces gamins sont aussi des victimes. Les vrais responsables sont ceux qui ont permis à ce bidonville d'exister. Il y a quelques décennies, c'étaient les communistes qui étaient considérés comme un danger au Maroc. Alors on a ouvert la porte aux religieux. Et on s'est retrouvé avec une pieuvre fleurissant sur le fumier.Votre histoire familiale se conjugue avec l'histoire récente du Maroc...Mon père a été le bouffon de Hassan II pendant trente-trois ans. Mon frère, pour avoir participé au coup d'État de Skhirat en 1971, s'est retrouvé au bagne de Tazmamart, renié par mon père. J'ai raconté cela dans « les Funérailles du lait » (Stock).Propos recueillis par Yasmine Youssi « Les Étoiles de Sidi Moumen », Flammarion, 160 pages, 18 euros. www.lamamounia.com
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.