Régulation financière : place au réalisme

Le sommet du G20 à Séoul, au-delà des invectives sur les taux de change, a représenté un jalon important pour la régulation financière mondiale. Les dirigeants y ont symboliquement clos un cycle de discussions intenses qui avait commencé fin 2008, lors du premier sommet du G20 à Washington, et dont le pivot est l'accord dit de Bâle III sur le capital et la liquidité des banques. Celui-ci, finalisé en septembre, renforce fortement les exigences et fournit ainsi l'opportunité idéale pour déclarer la mission accomplie et passer à d'autres sujets.De fait, le champ d'application potentiel de la régulation financière au niveau mondial apparaît aujourd'hui plus restreint qu'il y a deux ans. Aux États-Unis, l'adoption de la loi Dodd-Frank et le résultat des élections de mi-mandat laissent peu de place à de nouvelles initiatives législatives. Et ni l'Europe ni les pays émergents ne sont, dans l'ensemble, prêts à prendre le relais. Certes, un certain nombre de réformes financières restent à l'ordre du jour. Mais il est significatif qu'aucune d'entre elles, à l'exception des matières premières, n'ait été mentionnée dans le discours programme de Nicolas Sarkozy en août pour la présidence française du G20. L'idée de règles financières planétaires a toujours été quelque peu utopique. L'accord de Bâle fixe une norme minimale plutôt qu'optimale, et plusieurs pays, de la Suisse à la Chine, envisagent déjà d'aller plus loin. Les mécanismes de prévention et de gestion des crises bancaires restent hétérogènes, et la convergence des normes comptables s'avère plus longue et moins complète que prévu. Dans ce contexte quelque peu contraint, les prochaines discussions sur la réglementation financière mondiale seront façonnées par trois exigences principales. Premièrement, les institutions internationales doivent être renforcées et adaptées. Comme au niveau national, la nature très technique des questions financières justifie leur délégation à des organismes spécialisés, mais à condition que l'autorité de ces derniers puisse être acceptée par leurs multiples parties prenantes. Comme le monde financier devient plus multipolaire, les grandes économies émergentes doivent monter en puissance dans leur gouvernance. L'attention s'est concentrée sur la réforme du Fonds monétaire international (FMI), mais d'autres institutions clés telles que la Banque des règlements internationaux (BRI) et le normalisateur comptable international doivent aussi consentir une meilleure représentation à la Chine, à l'Inde et à d'autres. Les exigences de transparence des mandats correspondants ont également besoin d'être renforcées.Deuxièmement, l'intégration internationale des marchés de capitaux va moins de soi qu'avant la crise et nécessite une attention particulière. La nécessaire rerégulation des plates-formes de négociation et de compensation, des agences de notation et peut-être aussi des grands réseaux d'audit, comporte des risques réels de fragmentation, et l'objectif d'interopérabilité des marchés ne peut sans doute être maintenu qu'avec une supervision plus intégrée de ces acteurs qu'actuellement. Dans le même esprit, le Conseil de stabilité financière (CSF) a raison de suggérer un régime spécifique pour les banques d'investissement les plus actives au niveau mondial, dont le rôle d'intermédiation des marchés des capitaux justifie une réglementation plus internationale que pour les activités de banque de détail.Troisièmement, il faut améliorer considérablement la capacité de surveillance publique du système financier mondial, afin de mieux identifier les nouvelles vulnérabilités mais aussi de vérifier que les engagements pris sont bien mis en oeuvre. Aucun processus approprié n'existe, par exemple, pour garantir que les normes comptables internationales ou celles sur les fonds propres bancaires sont appliquées de manière cohérente. Le FMI, la BRI et le CSF jouent chacun un rôle, mais avec encore trop de lacunes, notamment du fait d'une transparence trop limitée des acteurs financiers comme des gouvernements nationaux.Les dures réalités issues de la crise laissent peu de place pour une réinvention radicale du système financier. Les exigences énumérées ici pourront apparaître minimalistes, mais leur satisfaction est déjà un défi suffisant pour les dirigeants mondiaux au cours des prochaines années.Par Nicolas Véron Économiste au sein du « think tank » Bruegel (Bruxelles)
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