« Deux tiers de nos investissements vont aux Bric »

Gildo Zegna, pdg d'Ermenegildo ZegnaQuel est l'impact de la crise sur vos ventes et votre stratégie ?La baisse des ventes cette année sera supérieure à 10 % car les croissances de 30 % en Chine et 50 % au Brésil n'ont pas suffi à compenser la chute de 10 % à 20 % dans les pays matures. Le résultat net diminuera encore plus brutalement car nous avons maintenu une grande partie de nos investissements. Ma première réaction fin 2008 a été de protéger l'entreprise de l'endettement. Je l'ai donc immédiatement restructurée sans toucher aux effectifs, en réduisant de 20 % le temps de travail, chez les cols blancs comme les cols bleus. J'ai coupé dans les coûts de voyage, de loyer et de publicité classique. J'ai aussi fortement réduit mes investissements aux États-Unis et en Europe pour les réallouer à l'Asie et aux Bric en général. Il a suffi d'une réunion au mois d'octobre et la décision était prise. C'est l'avantage d'un groupe familial ! Du coup, en 2009, ces Bric ont représenté deux tiers du total de nos investissements et ils pèsent 30 % des ventes contre moitié moins il y a trois ans.Vous avez donc continué à investir dans votre réseau de boutiques ?Oui, la crise, avec ses baisses de commandes de 50 % d'une année sur l'autre dans les magasins multimarques, nous a poussés à accélérer le développement de nos boutiques 100 % Zegna. Plus important, sur 550 boutiques et corners, nous en avons aujourd'hui la moitié en propre, contre 30 % il y a trois ans, car nous rachetons peu à peu nos franchisés. Cette stratégie coïncide avec la réorganisation de l'entreprise depuis 2005 [un conseil d'administration a été créé, où siège notamment l'ancien patron de Gucci, Domenico de Sole, Ndlr] pour faire évoluer Ermenegildo Zegna d'une marque très axée produit à un vrai groupe de luxe, orienté marketing et ventes. Nous venons d'ailleurs d'ouvrir cinq vaisseaux amiraux de la marque à Milan, New York, Tokyo, Hong Kong et Dubaï. Nous en ouvrirons quatre autres en 2010 mais, comme ils coûtent entre 5 et 10 millions d'euros chacun, nous nous arrêterons là.Vous avez fait évoluer votre offre vers des lignes plus abordables ?Dès 2007, Ermenegildo Zegna a lancé une ligne baptisée Luxury Casual. Et heureusement ! Car avec Z Sport, notre ligne sportwear, c'est la seule qui a progressé cette année, tandis que les costumes traditionnels chutaient. Les consommateurs des Bric, qui ne vont pas travailler cravatés comme les Italiens, ont beaucoup contribué à cet essor. En grande Chine, nous testons même des petits magasins dédiés à ces autres lignes. Les résultats sont encourageants. Ils pourraient être dupliqués sous forme de corners dans les grands magasins américains. Car, bien sûr, ces lignes étant en moyenne 30 % moins chères que la ligne classique, elles nous ont aidés à proposer des prix plus agressifs.J'imagine que vous ne proposez pas le même costume à un Chinois et à un Américain ?Grâce à une étude approfondie des tickets de caisse de nos clients, nous connaissons très finement leurs goûts, leurs habitudes de shopping et de voyages, les services qu'ils préfèrent, etc. Du coup, nous proposons par exemple des séries exclusives pour les Japonais, très exigeants en matières de motifs et de couleurs. Nous avons aussi conçu une collection Zegna Sport spécialement pour les Chinois avec des matières d'été et des couleurs d'hiver pour s'adapter aux températures de demi-saison. Ces collections nous permettent de multiplier les invitations à des événements privés dans les magasins et ainsi la fréquence d'achat. Nous avons par exemple récemment fait venir nos artisans italiens en Asie pour montrer aux clients la fabrication d'une cravate ou d'une chaussure.Mettez-vous davantage en avant les accessoires, souvent moins chers ?Hormis la maroquinerie et les chaussures [issues d'une coentreprise avec Ferragamo depuis 1999, Ndlr] qui représentent 10 % de notre chiffre d'affaires, les autres accessoires (lunettes, parfums, sous-vêtements) ne sont pas consolidés dans nos ventes. C'est vous dire s'il y a encore un grand potentiel de croissance. Cette année nous lançons notre première ligne de montres avec Gérard Périgot. D'abord une centaine très haut de gamme puis une ligne plus abordable à 5.000 euros environ la pièce.Comment se profilent les fêtes de fin d'année ?Il y a désormais beaucoup moins de stocks qu'en 2008. Nous devrions donc éviter les folles promotions qui, aux États-Unis, étaient allées jusqu'à ? 70 % dans les grands magasins ! Comme elles n'étaient que de 40 % dans nos boutiques, le consommateur était perdu, ce qui n'est bon ni pour l'image ni pour les marges. Au global, nous allons revenir à une plus grande normalité après avoir cru pendant quelques années que le monde pouvait croître à double chiffre indéfiniment.
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