Les bonus au pilori

Avant la crise, le monde était assez simple. Les dirigeants de banques ou de grandes entreprises cotées ne voyaient qu'une ligne de leur bilan, celle des profits. Ils ne regardaient qu'une courbe, celle du cours de Bourse. Ils n'avaient qu'une mission, « créer de la valeur pour l'actionnaire », selon une expression qui semble aujourd'hui appartenir à une langue morte. Le beau, le bien, le vrai se traduisaient par une rémunération justement appelée bonus. Avec la crise, les tumultes de l'histoire sont venus bouleverser ce monde stylisé. De nouveaux acteurs ont fait irruption dans le tête-à-tête entre le dirigeant et l'actionnaire abstrait. Ces acteurs sont (liste non exhaustive) les gouvernements, les citoyens, les employés, les clients, les régulateurs, les juges, les élus, les journalistes, les blogueurs, sans oublier les actionnaires en chair et en os. Chacun de ces groupes a sa propre idée de ce qui fait la valeur d'une entreprise au sortir des mois terribles où tous ont craint l'effondrement général de l'économie. Prenons les banques : États et banquiers centraux ont réagi vite et fort pour éviter les faillites en chaîne qui auraient tari le financement de l'activité, quitte à nationaliser les établissements les plus fragilisés. La démonstration est faite : les banques sont importantes non pas en fonction de leur « shareholder value », mais de leur rôle dans l'économie. Elles ont été sauvées, elles doivent donc quelque chose aux États, aux sociétés, et à tous ceux qui les font exister. L'idée que leurs profits doivent rémunérer tout particulièrement un groupe plus ou moins large de dirigeants et d'opérateurs de marchés ne passe plus dans l'opinion. Face aux ravages du chômage, le « retour à la normale », aux rémunérations d'avant la crise, est une illusion. Les banquiers qui renoncent à leur bonus le sentent bien. Les dirigeants d'autres secteurs sont moins exposés, mais toujours à la merci d'une soudaine indignation, comme hier Henri Proglio pour son double salaire. Le thème de la responsabilité sociale des entreprises a de l'avenir. [email protected] Sophie Gherard
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