« Nous devons enseigner le chinois dans nos écoles »

Vivons-nous une accélération du développement chinois ?La crise a joué un rôle de catalyseur. La Chine en sort renforcée. Économiquement, elle s'est très bien comportée dans la crise actuelle. Cet immense pays a été, comme j'avais pu déjà le constater sur place pendant la crise asiatique de 1997-1998, un stabilisateur. Dans tous les domaines, économique, financier, mais aussi culturel et diplomatique, la Chine occupe de plus en plus d'espace. C'est le retour à la réalité de son poids démographique à l'échelle planétaire. En 1830, avant la guerre de l'opium, la Chine représentait 30 % du PIB mondial. Il paraît normal qu'un pays qui représente 20 % de la population de la planète aspire à peser au moins autant dans l'économie mondiale. Ce qui est en train de se passer en Chine n'est jamais arrivé à cette échelle et à ce rythme dans l'histoire de l'humanité. Le tout s'est fait sur la base d'un modèle original à la fois très organisé et très décentralisé. En trente ans, la Chine a fait passer de la pauvreté au statut de classe moyenne plus de 400 millions de personnes. Cette émergence unique et massive sur la scène mondiale impacte et impactera fortement notre génération. L'une des clés de ce succès, c'est certainement l'importance accordée à l'éducation, à la technologie, à une planification rigoureuse et le soutien volontaire apporté aux entrepreneurs par la société.Comment l'Occident va-t-il faire face ?L'Occident doit d'abord participer à cette croissance. Dans les cinq ans qui viennent, 130 millions de Chinois vont quitter les campagnes pour remplir les villes. Deux France ! Cinq ans, à l'échelle de l'industrie, c'est demain. Cela veut dire des besoins en énergie, en logements, en eau et nourriture, en transports considérables. C'est pour le monde un immense chantier et une formidable opportunité. Il va aussi falloir apprendre à vivre dans le village mondial avec un voisin sur cinq qui est chinois, parle chinois, pense chinois. Nos entreprises auront des clients, des partenaires, des employés, des actionnaires et des concurrents... chinois. Schneider Electric emploie déjà 15.000 salariés en Chine, soit près de 15 % de notre personnel. La Chine représente un peu plus de 10 % de notre chiffre d'affaires, c'est notre deuxième marché derrière les États-Unis. Le modèle chinois peut-il surmonter la formidable croissance qui l'attend ?Je pense que oui. Le gouvernement actuel est très attentif à l'équilibre de la société et à l'équité sociale. Les Chinois ont fait le choix d'un développement à marche forcée et n'ont pas la possibilité matérielle de le faire à la même vitesse sur l'ensemble du pays. Évidemment, cela ne va pas sans tension. Il y aura peut-être des hoquets, mais je ne crois pas au scénario de l'explosion. Nous entrons dans une nouvelle phase. On va de moins en moins en Chine pour les coûts, qui sont plus élevés qu'auparavant. On va en Chine d'abord pour le marché chinois, mais aussi pour le dynamisme de l'écosystème de production.La France est-elle bien placée ? Nous pouvons faire beaucoup mieux. Nos entreprises doivent investir et se développer en Chine. Nous devons y préparer nos collaborateurs. Il faut accueillir beaucoup plus d'étudiants et de collaborateurs chinois en France - ce sont ensuite nos meilleurs avocats en Chine. Nous devons enseigner le chinois dans nos écoles. Certes, nous sommes très différents par nos cultures, mais notre manière d'être est au final assez proche. Nous ne devons pas regarder la Chine au travers de nos seuls prismes. Nous apprendrons beaucoup de la culture et de la manière de penser de ce pays. Sur le plan économique, la relation France-Chine a été très marquée par les grands secteurs traditionnels : transports, énergie, défense. Nos interlocuteurs chinois nous demandent désormais d'avoir une vision élargie à l'urbanisation durable, l'alimentaire, la santé, les nouvelles technologies de l'information... Un exemple : les Chinois veulent 400 « villes vertes » dans le futur. Via le Comité France Chine, il a été proposé aux entreprises françaises de travailler de façon préférentielle dans trois ou quatre villes tests pour en faire des laboratoires des technologies françaises. À nous de saisir cette main tendue.Propos recueillis par Philippe Mabille? Demain, entretien avec Frédéric Lasserre, analyste matières premières à la Société Généralecute; Générale.
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