« L'industrie pharmaceutique va devenir plus petite »

Vous venez de passer une provision de 1,57 milliard de livres (1,87 milliard d'euros) pour régler les litiges légaux sur l'Avandia (antidiabétique) et le Paxil (antidépressif). Pensez-vous que la page soit tournée ?Nous avons passé une provision pour toutes les poursuites judiciaires que nous connaissions, mais il est toujours possible que d'autres émergent. Cela dit, vu la publicité qui a entouré ces cas depuis des années, j'en doute. Que va devenir l'Avandia, dont les ventes représentaient encore 920 millions d'euros l'an dernier ? Le récent avis du comité consultatif de la FDA (régulateur de santé américain), qui recommande de ne pas retirer le médicament du marché mais d'ajouter des avertissements sur la notice d'utilisation, semble positif pour vous.Nous avons présenté notre point de vue à la FDA et aux autorités européennes. Nous attendons maintenant qu'ils se prononcent, ce qui devrait intervenir dans les prochaines semaines.Comment jugez-vous l'attitude des autorités de régulation pharmaceutiques ?L'environnement réglementaire est devenu beaucoup plus conservateur qu'auparavant. Entre 1950 et 2003 [date du scandale du Vioxx, anti-inflammatoire du laboratoire Merck, qui augmentait les risques d'infarctus, Ndlr], les régulateurs n'avaient guère évolué. Depuis, le changement a été profond. Mais il est important qu'ils ne perdent pas de vue l'équilibre risques/bénéfices. Pour l'Avandia, nous continuons à penser que les bénéfices sont supérieurs aux risques.Pensez-vous que les régulateurs vont maintenant trop loin dans la prévention du risque ?Non, actuellement, ça va. Mais il faut faire attention à ce que cela n'aille pas trop loin, sous la pression de l'opinion publique notamment. Personne n'écrit à un journal pour souligner que 1 million de personnes vont mieux grâce à un médicament. En revanche, un problème avec dix personnes fait une très bonne histoire.En Europe, les budgets de santé font face à de très fortes mesures d'économies. Comment y réagissez-vous ?Tout d'abord, il serait irresponsable de dire : d'accord pour des coupes budgétaires, mais pas pour moi. Je n'aime pas baisser les prix des médicaments, mais j'en comprends la nécessité. Ensuite, il est important de choisir la façon dont les coupes sont faites. Si la réduction est la même pour tous les médicaments, elle se fait au détriment de la recherche et développement. Mieux vaut baisser les prix des vieux médicaments, mais laisser une prime à ceux qui sont récents. Il faut aussi réfléchir à la façon dont les budgets de santé seront diminués. C'est facile de viser les médicaments, mais les vrais économies seront ailleurs : en gardant les gens hors des hôpitaux, et en faisant de la prévention.Dans ce contexte, comment jugez-vous l'attitude du gouvernement français ?La France et le Royaume-Uni n'ont pas eu besoin de réduire les prix récemment, parce qu'ils se sont attaqués au problème depuis longtemps. Dans ces deux pays, il y a des rencontres au plus haut niveau entre le gouvernement et l'industrie pharmaceutique. Grâce à cela, la France n'a pas des prix très élevés pour ses médicaments.Pourtant, vous avez supprimé 850 emplois en France récemment, dont certains en R&D ?Ils l'ont été essentiellement dans la production. Et il y a eu aussi des emplois supprimés dans le développement, plus que dans la recherche. Mais j'ajoute que nous créons aussi des emplois. Nous allons bientôt ouvrir une extension de notre centre de recherche aux Ulis [dans l'Essonne]. Mais il ne faut pas rêver : nous ne sommes pas revenus aux années 1990. De nombreux brevets arrivent à expiration dans les années à venir, les budgets de santé dans les pays occidentaux se réduisent. Quel avenir voyez-vous pour l'industrie pharmaceutique ?L'industrie va rester énorme, mais elle va devenir plus petite. Moins d'entreprises auront du succès. Pour réussir, il faudra proposer de nouveaux médicaments, mais aussi à des prix limités, qui représentent un bon rapport qualité-prix. Sinon, il sera difficile de survivre.Envisagez-vous des acquisitions ?Nous ferons sans doute de petites acquisitions ciblées, mais rien de grand. Dans la pharmacie en particulier, il n'y aura pas de grandes transactions de notre part, ni dans les génériques.Propos recueillis par Éric Albert, à Londres(Interview accordée à quatre journaux européens.)
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