Retraite, la réforme injuste

La France, pays de l'égalité, comporte presque autant de régimes de retraite que de fromages. Tel métier, telle corporation, s'est habitué depuis 1945 à vivre sous la protection de statuts spécifiques, défendus par autant de bastions syndicaux, avec à chaque fois des justifications plus ou moins légitimes (niveau des salaires, déroulement des carrières). La réforme préparée par Éric Woerth ne tiendra pas, de ce point de vue, la promesse faite par Nicolas Sarkozy d'une réforme juste. Il ne s'agit en aucun cas du grand soir des retraites, qui alignera le public et le privé et mettra fin aux « privilèges » supposés des régimes dits spéciaux. Mais simplement, et c'est déjà beaucoup, d'assurer l'équilibre démographique d'un système par répartition au bord de la faillite en mettant fin au rêve de la retraite à 60 ans. Toute la stratégie du gouvernement a consisté à amener les Français à s'en convaincre, ou à s'y résigner. Pour déminer le terrain à la veille de la grande manifestation de ce jeudi, le ministre du Travail a confirmé hier que les régimes spéciaux n'appliqueront les nouvelles règles qu'une fois mise en oeuvre la réforme de 2007. En clair, les 500.000 salariés de la SNCF, EDF, GDF, RATP ne seront pas concernés avant 2018 au moins par le report de l'âge légal de la retraite. Tollé assuré dans l'opinion, mais le gouvernement peut espérer éviter ainsi la coalition d'intérêt qui avait bloqué la France lors des réformes Juppé à l'hiver 1995. Le calcul est habile, mais comporte une faille. Même si c'est à l'horizon d'une génération, il faudra bien faire converger tous les régimes vers un âge de départ commun. La bataille de la retraite à 60 ans se joue donc bien maintenant, dans la capacité de Nicolas Sarkozy de mettre un terme à cet acquis social des années Mitterrand. En choisissant de politiser sa réforme et d'opposer une gauche « archaïque » à une droite « moderne », le chef de l'État fait un pari à haut risque dans lequel se joue la fin de son quinquennat. Car, aussi curieux que cela puisse paraître, il existe encore une majorité de Français qui préféreraient payer plus d'impôts pour conserver la retraite à 60 ans. [email protected] mabille
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