Une opinion plutôt résignée, mais aux réactions imprévisibles

C'est un signe de la difficulté rencontrée par l'exécutif pour évaluer l'état de l'opinion, au moment où s'engage la bataille frontale entre droite et gauche sur le dossier des retraites. Nicolas Sarkozy a confié mardi à des élus et des militants UMP qu'il s'attendait à un fort mécontentement populaire, « une fois fixé le nouveau seuil de départ légal à la retraite ». Le gouvernement veut faire tomber le « tabou » des 60 ans mais n'a pas encore dit s'il fallait aller jusqu'à 62 ou 63 ans, ou plus, pour bénéficier de l'ouverture des droits à la retraite. « Le président Sarkozy m'a dit qu'il pourrait y avoir trois millions de personnes dans la rue » à ce moment-là, a confié un élu UMP à l'AFP. Trois millions ? Probable mais pas certain, et c'est tout l'espoir du gouvernement, car l'opinion a beaucoup évolué sur la question des retraites.Les Français restent toutefois très attachés à la retraite à 60 ans. Un sondage BVA pour France Info et « Les Échos » indiquait mercredi que 53 % des Français jugent que le système peut perdurer sans allonger la durée d'activité. 57 % des sondés restent attachés à la retraite à 60 ans, contre 41 % qui jugent « logique » de repousser l'âge légal. Une enquête Viavoice pour « Libération » réalisée les 6 et 7 mai donnait 63,4 % des sondés attachés au maintien de la retraite à 60 ans. Un autre sondage Cecop-CSA, réalisé pour le Cercle des épargnants et publié le 18 mai dans « La Tribune », indiquait en revanche que 64 % des personnes interrogées jugeaient nécessaire de relever l'âge légal et que 57 % d'entre elles préconisaient aussi l'allongement de la durée de cotisation. Philippe Crevel, secrétaire général du Cercle des épargnants, nuançait toutefois ce diagnostic. « Accepter une réforme du système est une chose, en admettre les conséquences sur sa propre retraite en est une autre », expliquait-il alors, en rappelant que les Français continuent de vouloir partir à la retraite avant 60 ans (59 ans et huit mois en moyenne).Cette valse-hésitation de l'opinion a sans doute déterminé l'ampleur de la contre-offensive engagée par le Parti socialiste, à moins de deux ans de l'élection présidentielle. Martine Aubry a voulu frapper les esprits, une première fois en devançant les annonces du gouvernement, avec la présentation d'un contre-projet de réforme, la seconde en affirmant que les socialistes rétabliraient la retraite à 60 ans s'ils gagnaient l'élection de 2012. Pour Gaël Sliman, directeur général adjoint de BVA, « la séquence Aubry a été plutôt positive ». Selon l'enquête BVA de mercredi, les sondés jugent le projet du PS « plus juste » à 59 %, contre 32 % pour celui du gouvernement, qui n'est de plus pas connu dans les détails. Ils jugent le texte socialiste « meilleur » à 57 %, contre 33 % pour le projet gouvernemental.« pillonnage intensif »Nicolas Sarkozy a du coup pris lui-même la tête de la contre-attaque. En s'en prenant avec vigueur à l'héritage de François Mitterrand sur la retraite à 60 ans. Ministres et ténors de l'UMP ont reçu la consigne de mener une véritable opération de « pillonnage intensif » pour défendre l'argumentation du gouvernement sur « le nécessaire allongement de la durée de vie passée au travail ». La bataille de l'opinion ne fait que commencer. Elle va culminer vers le 20 juin lorsque le chef de l'État rendra ses arbitrages sur la réforme. Hélène Fontanaud
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