La presse américaine cherche un modèle économique sur Internet

Après deux premières tentatives avortées, le « New York Times » refait le pari du payant sur Internet. Le prestigieux quotidien new-yorkais lance lundi une nouvelle offre, un modèle hybride qui permet de consulter gratuitement jusqu'à vingt articles par mois. Les lecteurs les plus assidus devront souscrire à un abonnement mensuel allant de 15 à 35 dollars. « La plupart des utilisateurs ne verront pas la différence, assure Eileen Murphy, vice-présidente chargée de la communication. 80 % de notre trafic est généré par seulement 20 % de nos visiteurs. » La très grande majorité des plus de 30 millions d'internautes américains (44 millions dans le monde) se rendant chaque mois sur le site Nytimes.com lisent donc peu d'articles, pas suffisamment pour avoir à s'abonner.« Tout en apportant une nouvelle source de revenus, cette stratégie nous permet également de conserver une audience importante et donc des recettes publicitaires robustes », poursuit-elle. Mieux, en profilant davantage ses lecteurs, le quotidien pourra mieux cibler les affichages publicitaires. Et donc les facturer plus cher aux annonceurs. John Janedis, analyste chez UBS, estime cependant que 20 % des recettes du site pourraient être menacés. En 2010, le groupe New York Times, qui détient 18 quotidiens et plus de 50 sites, a réalisé 341 millions de dollars de chiffre d'affaires publicitaire sur Internet, un bond de 16 % sur un an. Sur la même période, la publicité dans les éditions papier a reculé de 8 %.Période d'observation« Cette décision ne va pas être étendue immédiatement aux autres journaux. Mais beaucoup vont étudier les résultats avec attention », anticipe Richard Smith de l'université de Simon Fraser. Car si la presse américaine reste globalement rentable, elle ne le doit qu'à une importante contraction de ses coûts compensant, partiellement, la baisse de ses revenus. Sur les quatre dernières années, les recettes publicitaires de l'ensemble des publications papier ont été divisées par deux, selon eMarketer. L'an passé, elles ont même été, pour la première fois, inférieures à celles générées par les sites Internet américains. « Le problème pour les journaux est que la plus grosse part de ces revenus est captée par d'autres, notamment les agrégateurs de contenus », note Pew Research Center dans son dernier état des lieux annuel de la presse américaine.« Pour le moment, les seuls qui ont réussi à faire payer en ligne sont ceux qui produisent de l'information financière destinée à une audience d'élites, poursuit l'institut. Ils ne constituent donc pas un modèle pour les sites d'information générale ». De fait, la réussite du « Wall Street Journal » (400.000 abonnés exclusivement numériques et 1 million en incluant les abonnés à l'édition papier également inscrits sur le site) et celle du « Financial Times » (200.000 abonnés numériques) relèvent plus de l'exception que de la règle. Après avoir opté pour un modèle intégralement payant, le site du « Times » a, par exemple, accusé un plongeon de 90 % de son audience, suscitant trop peu d'abonnements pour compenser le manque à gagner publicitaire. Aux États-Unis, « Newsday » n'aurait enregistré que 35 abonnements trois mois après le lancement de son offre. Contacté, le tabloïd new-yorkais n'a pas souhaité communiquer sur ces chiffres, rappelant qu'une grande partie de son public cible bénéficiait d'un accès gratuit. Si les grands quotidiens américains restent encore en retrait, de nombreux journaux locaux ont déjà franchi le pas, en misant sur l'information de proximité. « Nous avons commencé fin 2010 à installer des barrières payantes sur certains de nos sites, en débutant par les marchés les plus isolés, là où la reproduction de l'information est la plus faible », raconte Mike Abernathy, PDG de LCNI, un groupe de presse publiant une cinquantaine de quotidiens locaux. Mais « seulement 1 % des utilisateurs choisissent de payer » selon le Pew Research Center. « Cette offre ne génère pas d'importants revenus, confirme Mike Abernathy. Mais nous espérons que notre stratégie limitera l'érosion des ventes papier en redonnant de la valeur à nos contenus ». Car face à la crise de la presse, aux États-Unis aussi, les solutions miracles n'existent pas.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.