La « Poste Mobile » consolide l'oligopole du mobile

À quelques semaines de l'ouverture du marché postal à la concurrence, prévue pour janvier 2011, la Caisse des dépôts (CDC) confirme le versement des 2,7 milliards d'euros promis à La Poste et destinés à la modernisation du courrier. En réalité, et comme cela a été le cas pour EDF, cet argent public servira à renforcer les fonds propres de l'acteur historique pour, certes, lui permettre de poursuivre sa modernisation, mais surtout de réaliser des opérations de croissance externe en France et à l'étranger. L'annonce de l'arrivée de l'opérateur postal dans la téléphonie mobile avec le projet de rachat de l'opérateur mobile virtuel (MVNO) Debitel est l'illustration la plus récente de cette stratégie.L'expérience des acquisitions malheureuses d'EDF ne servant pas toujours aux autres, notre postier national semble se lancer à son tour dans une politique de croissance externe dont seul l'avenir nous dira si elle est pertinente. Le problème, comme pour EDF, c'est que La Poste ne s'apprête pas à faire ses courses avec son argent, mais avec celui du contribuable, via la CDC. Au total, depuis 2003, chaque contribuable français aura investi près de 200 euros pour consolider un monopole qui lui fera sans nul doute payer cher, demain, sa position archi-dominante et un service du courrier qui n'en finit plus de se dégrader. Le comble est que, dans l'hypothèse de l'entrée de La Poste dans Debitel, SFR garderait une part importante du capital de l'opérateur virtuel. Ainsi, et grâce à ce tour de passe-passe, SFR pourrait donc se tailler la part du lion dans l'oligopole en place dans la téléphonie mobile et ainsi contrer la Free Mobile et les MVNO regroupés autour de Virgin Mobile. Et avec l'argent du contribuable ! Ainsi, le contribuable-consommateur paiera deux fois : une fois en finançant avec l'argent de ses impôts l'arrivée de La Poste dans la téléphonie mobile et une deuxième fois en payant trop cher sa téléphonie mobile, faute d'une vraie concurrence sur ce marché. L'État, quant à lui, y trouvera son compte pour deux raisons essentielles : la détention de la majorité du capital de La Poste et les taxes multiples prélevées sur le chiffre d'affaires des opérateurs de téléphonie mobile.La concurrence sur l'ensemble du marché postal s'annonce difficile, voire décourageante, à en juger par l'extrême réserve des politiques sur le sujet, l'opposition des syndicats et les comportements prédateurs de La Poste sur les microsegments de marché déjà ouverts. Dans ce contexte, l'arrivée de La Poste sur le marché de la téléphonie mobile pourrait bien sonner l'arrêt définitif de toute tentative d'ouverture de ce marché à la concurrence. Dans un récent rapport, la Cour des comptes a désigné le manque d'innovation et de compétitivité de La Poste comme la principale raison de son incapacité à se moderniser. La modernisation de La Poste passe-t-elle par son arrivée sur le marché de la téléphonie mobile avec une offre pour le moins basique ? Pas sûr... Le problème des politiques, c'est qu'ils persistent à croire que c'est en faisant pleuvoir de l'argent sur un problème que l'on parvient à le régler. De toute évidence, l'argent public qui sera offert à La Poste ne contribuera en aucune manière à sa modernisation. Pire encore, il contribuera à renforcer la calcification d'un système à bout de souffle et qui, au mieux, obérera toute tentative d'ouverture du marché de la téléphonie mobile dans notre pays.Au 1er janvier 2011, il n'y aura, sauf coup de théâtre, aucun compétiteur, ni français ni étranger, pour faire concurrence dans le domaine du courrier à notre chère, très chère Poste. La seule preuve de la fin de son monopole sera inscrite dans la loi, et La Poste pourra ainsi continuer d'affirmer que le courrier n'est pas une activité rentable puisque personne n'en veut... CQFD !Dans tous les secteurs de l'économie, une saine et vigoureuse concurrence s'est toujours révélée le principal moteur de l'innovation et le meilleur moyen de préserver le pouvoir d'achat des consommateurs. Espérons que le régulateur, en l'espèce l'Arcep, aura tout à la fois la volonté et les moyens de déjouer cette machine à faire reculer la concurrence.Par Jacques MarceauPrésident d'Aromates RP, cofondateur du collectif Libre Choix
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