L'oligarchie du système international à l'épreuve

La crise a révélé un autre monde. Les anciennes rivalités ont disparu et les prétentions à l'unilatéralisme sont plus difficiles à assouvir. Mais comment définir ce nouvel ordre mondial qui émerge, ce « système international sans nom », qui n'est ni un monde unipolaire, ni un monde multipolaire. Dans un ouvrage érudit, Bertrand Badie, théoricien reconnu des relations internationales, tente (avec succès) de répondre à cette question essentielle et de décrypter les nouveaux paradigmes de la diplomatie depuis la chute du mur de Berlin. Pour l'auteur, le système international « à l'ancienne » n'a pas disparu. Au contraire, il se manifeste toujours au travers d'une « diplomatie de connivence » réservée à un club restreint de puissants qui revendique le droit de piloter le monde pour le bien-être de l'humanité. De la Sainte-Alliance au G20, cette oligarchie diplomatique a toujours su renaître de ses cendres, prête au consensus discret sauf lorsque les intérêts nationaux sont (ou semblent) menacés. Le professeur de Sciences po décrit ainsi la mécanique de ce directoire du monde, ses rouages, ses codes, ses fausses concertations, le poids des rapports de force, la mesure de la puissance. Bref, le club VIP est toujours à l'oeuvre mais certains de ses membres sont en passe d'en être exclus au profit de nouveaux riches. Mais cette diplomatie de connivence n'a jamais été autant contestée. Tout d'abord parce qu'elle n'a jamais donné de résultats très probants. « Ce jeu est d'une efficacité douteuse, plus proche de l'armistice que de la paix », souligne l'auteur. L'économie bouleverse également la donne et remet en question la place et le rôle des diplomaties européennes. Le changement est surtout plus profond, d'ordre plus sociologique ou culturel. « L'occidentalisation » des esprits qui a jusqu'ici forgé la diplomatie perd peu à peu de son influence : le raisonnement diffère et le sens des responsabilités aussi. L'opposition croissante des sociétés civiles, favorisée par une démocratisation des esprits et des régimes, perturbe le jeu réglé de la diplomatie et en favorise de nouvelles formes, comme en témoigne la multiplication d'accords ou conventions internationaux, peu spectaculaires mais souvent très efficaces. De fait, les dérives oligarchiques ont du mal à perdurer dans un monde plus interdépendant, plus interconnecté et plus décentralisé. L'auteur se prend ainsi à espérer un monde véritablement multilatéral, socle d'une nouvelle gouvernance mondiale. E. B.
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