La crise en bonne « Company »

Dans les dernières décennies du siècle dernier, il n'y a pas si longtemps encore, il se serait fait traiter de « sale rouge de communiste ». Oui mais voilà. Depuis, l'Amérique s'est prise de plein fouet l'une des crises économiques les plus violentes de son histoire, ce que John Wells raconte à merveille dans « The Company Men ». D'autant que le réalisateur, également scénariste et producteur de ce premier film, a choisi de traiter des conséquences humaines de la crise à travers le parcours de salariés d'une multinationale des environs de Boston.Parmi eux, Bobby (Ben Affleck), Phil (Chris Cooper) et Gene (Tommy Lee Jones). Le premier est un jeune loup aux dents longues, d'une arrogance folle, à qui tout sourit. Les deux autres, la soixantaine à peine sonnée, ont gravi un à un tous les échelons de leur entreprise où ils ont commencé comme simples ouvriers pour en devenir cadres dirigeants. À eux trois, Bobby, Phil et Gene représentent l'incarnation du rêve américain, matérialisé par des demeures de maîtres, de belles voitures sagement garées, et un abonnement au club de golf du coin. Jusqu'au jour où ils se font licencier avec quelques autres. Non pas parce qu'ils ont failli, bien au contraire. Leurs performances sont excellentes. Mais parce qu'il faut maximiser la valeur boursière de l'entreprise. Commence alors pour les trois hommes une longue décente aux enfers afin de retrouver du travail. Producteur et créateur de séries télévisées à succès comme « Urgences » ou « New York 911 », John Wells a opté pour un traitement ultra-réaliste (mais jamais misérabiliste) de l'intrigue. Sans afféterie aucune, il montre les ravages provoqués par le système social en vigueur aux États-Unis : des indemnités de licenciement réduites à douze semaines de salaire, absence d'allocations chômage, pas de régime de retraite, des seniors à qui l'on conseille de se teindre les cheveux en gris s'ils veulent avoir une chance de retrouver du travail. Se faisant, Wells pose la question de l'identité américaine en temps de récession. Ces hommes qui se sont entendu dire toute leur vie « You are what you do » (vous êtes ce que vous faites), désormais sans emploi, voient ainsi leur existence niée. Comme le dit Phil : « Ma vie s'est arrêtée et personne ne s'en est aperçu ». Alors, bien sûr, John Wells n'a pas le génie de John Ford, le réalisateur des « Raisins de la colère », mais il a un sens certain de la narration et de la direction d'acteurs. Ben Affleck, Chris Cooper et Tommy Lee Jones composent sous sa houlette une magnifique partition. Ce qui fait de ce film une oeuvre suffisamment puissante pour hanter les spectateurs longtemps après avoir vu le film.
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