Coup de chaud sur le prix du blé

Dans l'Eure, les moissonneuses-batteuses tournent actuellement à plein régime. Malgré les températures plus fraîches de ces derniers jours, la fin de la récolte de blé est attendue avec inquiétude. À l'hiver froid et très sec ont succédé de fortes chaleurs en juin et juillet, qui risquent d'avoir fait tomber des grains au sol avant la récolte?: c'est l'échaudage. Les rendements y sont attendus en baisse de 55 % selon le cabinet de conseil Offre et Demande Agricole, qui souligne aussi les cas de l'Oise et du Calvados. Initialement prévue à 35,3 millions de tonnes, la récolte sera en fait « inférieure à 35 millions de tonnes », déclare prudemment Michel Ferret, responsable des marchés à FranceAgriMer, l'établissement public des filières agricoles. Pour Offre et Demande Agricole, ce serait plutôt 34,6 millions de tonnes. Mais le blé français est loin d'être le plus affecté?: les blés ont été endommagés au Canada par des inondations, et leur récolte est attendue en repli de plus de 20 % en Russie. De 60 millions de tonnes l'année dernière, le pays, frappé par une canicule sans précédent, pourrait ne produire que 45 millions de tonnes cette année selon Agritel. Ce qui réduirait à la portion congrue sa capacité d'export?: l'année dernière, les Russes avaient exporté 18 millions de tonnes, soit 15 % du marché mondial, contre 9,8 millions de tonnes pour la France, qui avait battu son record historique.Parallèlement, la chaleur a provoqué un mouvement de fièvre totalement inédit sur le marché parisien du blé en juillet. Les cours se sont envolés, la tonne de blé pour livraison en novembre passant de 140 à 188 euros. Aux États-Unis, le blé coté au Chicago Board of Trade a suivi au jour le jour l'évolution du blé parisien. Mais le symptôme le plus frappant de cette élévation des températures se retrouve sur les volumes traités sur le Nyse Liffe, plus adapté que son concurrent américain pour jouer l'évolution du blé russe. Le blé meunier y était déjà le contrat le plus actif, loin devant le colza, le maïs ou l'orge. Mais « les volumes ont tout simplement explosé?! » constate un spécialiste. En 2008 et 2009, les journées les plus actives avaient vu 11.000 puis 16.000 lots de 50 tonnes changer de mains. Le 21 juillet, 50.000 lots ont été traités. Les volumes cumulés ont quintuplé entre le mois de juillet 2009 et juillet 2010.Malgré cette brusque envolée, Michel Ferret reste prudent. « Ces dernières années, il y a eu beaucoup de volatilité sur les grains?: les phénomènes que l'on constate à la hausse peuvent se produire à la baisse tout aussi rapidement?! » prévient l'expert. Car beaucoup d'inconnues demeurent quant à la campagne en cours. Si la récolte canadienne et la récolte russe sont attendues en forte baisse, la moisson australienne devrait être très abondante. Et les stocks de blé sont à des niveaux historiquement élevés, ce qui devrait permettre de compenser la mauvaise récolte de certaines zones. Enfin, la stratégie des pays acheteurs a évolué?: à l'instar du premier d'entre eux, l'Égypte, ils se sont constitués des réserves plus importantes après les émeutes de la faim de 2007-2008, leur permettant de ralentir leurs achats lors des périodes de prix élevés.
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