L'État veut frapper les délinquants au portefeuille

Coïncidence heureuse pour le pouvoir : alors que l'Elysée a décidé de monter au créneau sur la sécurité, la police judiciaire et le Groupe d'intervention régional (GIR) de Paris, composé de policiers, d'agents du fisc et de douaniers, viennent de démanteler en début de semaine un trafic de stupéfiants dans l'est de la capitale. Les enquêteurs ont mis en évidence que plus de 40.000 euros auraient transité depuis quelques mois sur les comptes des trafiquants qui avaient acheté comptant plusieurs grosses cylindrées...Frapper les délinquants là où ça fait mal, autrement dit au portefeuille : ministre de l'Intérieur de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy en avait fait l'un des axes forts de sa politique sécuritaire, avec, entre autres, la création des Groupes d'intervention régionaux. Devenu président, il avait réaffirmé cet objectif le 28 mai 2009 lors d'un déplacement consacré aux quartiers sensibles. Train de vie ostentatoireSon ami Brice Hortefeux reprend aujourd'hui le flambeau. Après les violences survenues voici quinze jours à Grenoble, le ministre de l'Intérieur a demandé à son collègue du Budget, François Baroin, de dépêcher dans la capitale du Dauphiné un agent du fisc auprès de la police. Et mercredi, à l'issue de la réunion organisée à l'Elysée sur la question des Roms et des gens du voyage, Brice Hortefeux a annoncé que 10 inspecteurs des impôts allaient s'intéresser à la situation fiscale des nomades au train de vie ostentatoire. Certains agents du fisc sont déjà mobilisés dans les quartiers dits sensibles. Depuis l'automne, 50 fonctionnaires du Budget sont en effet installés dans les locaux de la police nationale de 17 départements et affectés à 43 quartiers sensibles. Leur travail ? Recouper les éléments qui leur sont fournis à l'issue de perquisitions ou d'auditions sur les revenus des trafiquants pour ensuite procéder aux opérations de contrôle fiscal nécessaires.Depuis décembre, la France a d'ailleurs durci son arsenal législatif en la matière. Faute de comptabilité, de factures ou de mouvements sur des comptes bancaires, le fisc ne pouvait jusque-là taxer un trafiquant de drogue. Le Parlement a donc adopté une disposition créant une présomption de revenus en cas d'activité délictuelle. Le fisc considère désormais, sauf preuve du contraire, que les personnes s'étant livrées à des trafics ont perçu un revenu d'un montant égal à la valeur des produits qu'ils détiennent. Et doivent donc être imposés en conséquence. Économie souterraineAfin de lutter contre l'économie souterraine, la loi a également instauré une taxation forfaitaire d'après les éléments de train de vie. Grâce à la levée du secret professionnel, l'administration fiscale peut ainsi être informée par la police qu'une personne sans emploi roule par exemple dans une voiture de sport ou arbore des bijoux de grande valeur sans correspondance avec sa situation patrimoniale officielle... Au fisc de vérifier ensuite qu'il y a bien disproportion entre les revenus déclarés et le train de vie et d'opérer ensuite un redressement fiscal. À ce jour, les 50 agents du fisc détachés auprès des services de police ont répondu à 1.220 demandes de renseignement adressées par les fonctionnaires de l'Intérieur. Inversement, ceux-ci leur ont fourni 661 informations. Selon les chiffres rendus publics la semaine dernière par Bercy, ces investigations ont entraîné 203 opérations de contrôle fiscal permettant 31 millions d'euros de redressement. Mais il y a encore de la marge : on estime qu'un peu plus de 1 milliard d'euros serait potentiellement taxable sur les stupéfiants, armes, alcools, cigarettes, contrefaçons et autres faux billets ! Anne Eveno et Patrick Coquidé
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