Vous avez un message

Son bureau est près de la fenêtre, au fond de l'open space, à droite. Nous le voyons arriver, souvent pressé, l'iPhone collé à l'oreille. Il salue tout le monde du service avec des hochements de tête et quelques grognements. Normal, c'est difficile de s'adresser à plusieurs personnes en même temps. Notre chef est toujours entre deux réunions. Entre deux réunions de chefs. Il est insaisissable. Un vrai courant d'air. Il n'a jamais le temps de nous transmettre les informations indispensables. Il demande beaucoup mais nous ne savons pas vraiment où il veut en venir. Il ne donne jamais le pourquoi et le comment. C'est à nous de deviner, nous les premiers intéressés mais derniers informés. Nous perdons un temps fou à exécuter ce qui a été décidé lors de la réunion des chefs. Qu'essaye-t-il de nous dire entre deux portes ? Nous traquons les informations dans les couloirs. Parce qu'un collègue mieux placé ou qui a l'ouïe plus fine a capté ce qui concerne notre service.La conjoncture s'affole et nous nous perdons en conjectures. Notre chef est un grand bavard qui ne nous dit rien. Est-ce un grand timide ? A-t-il peur de nous et de nos questions terre à terre ? Comprend-il toutes les demandes de la direction ? Est-ce vraiment un chef ?Les plus hardis et les plus désemparés ont bien tenté de le pousser à mieux communiquer avec nous. Il a programmé quelques réunions. Ça nous a rassurés. Nous nous sommes débrouillés pour être tous présents. Nous avons vraiment été déçus quand il a écourté nos réunions parce qu'il avait d'autres réunions, qu'ils les a décalées parce qu'il y avait un gros problème à régler, qu'il les a sacrifiées ou oubliées à cause d'un déjeuner interminable. vulgaires pourrielsQuand, enfin, il a trouvé le temps de nous dire deux mots, nous l'avons un peu chahuté. Il l'a mal pris. Il n'a pas compris. Il est devenu cassant et il a été trop tard pour rattraper les mots blessants Depuis, il nous bombarde de mails, groupés ou individuels. Plus il envoie de mails, moins il nous parle. Plus nous en recevons, moins nous nous sentons concernés. Il croit dialoguer, il s'estompe. Il a disparu dans notre fond d'écran. La messagerie s'amuse même à classer d'office ses courriers dans les indésirables comme de vulgaires pourriels.
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