Une opération innovante et à hauts risques

La nouvelle ligne TGV Tours-Bordeaux n'est pas seulement le plus important projet d'infrastructure ferroviaire en Europe. C'est aussi le premier contrat de cette ampleur à faire l'objet d'un partenariat public-privé, et plus précisément d'une concession. Vinci devra construire la ligne, bien sûr, mais également l'entretenir, la financer pour partie, et l'exploiter en supportant le risque des éventuelles variations de trafic sur une durée de cinquante ans. Sachant qu'il est associé pour ce faire à deux partenaires financiers : la Caisse des dépôts, via sa filiale CDC Infrastructures, et Axa Private equity.Première étape, Vinci et ses partenaires doivent négocier avec Réseau Ferré de France (RFF) d'ici l'été le contrat de délégation de service public avant une signature prévue à l'automne. Une fois cette première haie franchie, Vinci devra édifier l'infrastructure. Or les aléas et déconvenues que les majors du BTP subissent lors de la réalisation d'ouvrages de ce type ne sont pas minces et peuvent entraîner des manques à gagner substantiels, même si le projet n'est pas, en l'occurrence, d'une grande complexité technique. De plus, tant que la ligne sera en chantier, Vinci n'engrangera pas de recettes mais supportera entre 700 millions et 1 milliard d'euros d'« intérêts intercalaires » liés à la dette qu'il portera.Le groupe doit, en effet, financer en partie le projet. Vinci l'a d'ailleurs emporté sur Bouygues et sur Eiffage parce qu'il a été tout à la fois le moins-disant en termes financiers (en ayant proposé un coût de construction supérieur de seulement 8 % aux 7,2 milliards d'euros courants estimés à l'origine par RFF) et le mieux-disant sur les autres critères définis par RFF (solidité financière, montant de la subvention requise, qualité technique, engagements en faveur du développement durable). Eiffage, qui avait envisagé en 2005, selon nos informations, de s'associer avec Vinci avant de décider de faire cavalier seul, doit s'en mordre les doigts.Il n'empêche, le risque financier pour Vinci n'est pas mince. À côté des 3,6 milliards apportés par l'État et 57 collectivités locales, auxquels s'ajoutera un complément de subvention de RFF, le groupement piloté par Vinci s'est engagé à apporter 3,8 milliards, dont 3 milliards de dettes et 800 millions de fonds propres. Sachant que 2,1 milliards de dettes bénéficient de la garantie de l'État, Vinci sera en risque sur 1,8 milliard.« Last but not least », Vinci devra exploiter la nouvelle ligne en supportant le risque de trafic sur cinquante ans. Certes, Tours-Bordeaux devrait attirer trois millions de voyageurs supplémentaires par rapport à l'actuel TGV Atlantique pour dépasser les vingt millions à sa mise en service en 2016. Vinci n'en sera pas moins tributaire des opérateurs ferroviaires qui lui verseront des péages en fonction du nombre de trains qu'ils feront circuler. Et, notamment de la politique commerciale de la SNCF qui risque de varier puisque le transport de voyageurs est ouvert depuis décembre 2009 à la concurrence. Le consortium table néanmoins, selon l'agence Reuters, sur un taux de rentabilité interne (TRI) de 15 % environ, élevé mais justifié au vu des risques assumés. Sophie Sanchez
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