La Poste doit-elle se transformer en société anonyme pour affronter la concurrence ? ?

Pierre HérissonOUINous lui donnons la possibilité de lever du capital publicLe changement de statut résulte avant tout d'une demande forte du président de La Poste et de son conseil d'administration. Ce n'est ni une initiative du gouvernement ni une proposition du Parlement. À l'heure où la troisième directive postale européenne, qui prévoit l'ouverture totale du marché, va être transposée en droit national, La Poste souhaite se battre à armes égales avec la concurrence, alors que 25 pays de l'Union européenne sur 27 ont déjà adopté le statut de société anonyme pour leurs services postaux. Cette demande nous paraît tout à fait légitime. Mais à une seule condition?: le capital de La Poste doit rester public. La loi sera très claire à ce sujet?: 100 % du capital seront détenus soit par l'État, soit par des personnes morales de droit public, un périmètre qui peut aller bien au-delà de la Caisse des dépôts. Ce changement de statut ne change donc rien et les missions de La Poste ne bougeront pas. Alors, pourquoi changer de statut?? Tout simplement pour assurer et pérenniser ses sources de financement. La Poste peut difficilement alourdir sa dette et l'État ne peut pas techniquement assurer des concours financiers réguliers sans provoquer les foudres de Bruxelles, qui y verrait une concurrence déloyale. En transformant La Poste en société anonyme, nous lui donnons la possibilité de procéder à des augmentations de capital d'origine publique, qui vont lui permettre de financer la modernisation de son outil industriel et de son réseau. De même, le groupe aura besoin de ressources pour engager sa diversification vers les métiers du colis ou de la logistique, diversification indispensable pour compenser le déclin de l'activité courrier. Cette transformation statutaire permettra aussi de préserver la cohésion du groupe, dont la quasi-totalité des filiales sont déjà des sociétés anonymes. Or, dans l'hypothèse d'un statu quo, elles pourraient être tentées de chercher des capitaux hors du périmètre de la maison mère pour se développer et renforcer ainsi leur autonomie. En fait, ce changement de statut est un gage d'unicité de La Poste. À cet égard, un amendement est prévu pour bien ancrer La Banque Postale au sein de La Poste. La France a créé le premier service postal, chacun reconnaît aujourd'hui son utilité et sa qualité. Nous lui donnons simplement les moyens d'assurer ses missions. nLe Sénat débute lundi l'examen du projet de loi portant sur la transformation du statut de La Poste d'établissement public en société anonyme. L'objectif affiché est de créer les conditions nécessaires pour accorder 2,7 milliards d'euros à La Poste via l'intervention de la Caisse des dépôts. La mesure, qui se voulait purement technique, est devenue un enjeu politique depuis le succès de la consultation organisée par un collectif de partis politiques, de syndicats et d'associations qui a vu près de 2 millions de Français se prononcer contre ce projet de loi, en cultivant, il est vrai, une certaine ambiguïté entre changement de statut et privatisation. Une chose est certaine?: les Français sont attachés au service public incarné au quotidien par La Poste. Propos recueillis par Éric Benhamou NONPierre BaubyL'ouverture à la concurrence des services postaux n'est pas nouvelle. Elle a débuté en 1987 et doit être totale, sur l'ensemble des services, y compris la lettre de moins de 50 grammes, en 2011. Mais cette libéralisation n'en est pas moins très encadrée par la directive européenne, qui garantit à tous les citoyens de l'Union européenne un service universel de qualité, c'est-à-dire la distribution du courrier et des paquets en tout point du territoire cinq jours par semaine. Cette mission de service public a bien évidemment un coût et la directive laisse une très grande marge de man?uvre aux États pour le financer. Et elle n'impose bien évidemment ni changement de statut ni privatisation. Rien n'interdit par exemple aux États d'accorder des subventions pour compenser les coûts des missions de service public ni d'avoir des systèmes de péréquation. La Finlande a mis en place un dispositif original qui contraint les nouveaux opérateurs qui ne souhaitent pas couvrir l'ensemble de territoire de reverser une partie de leur chiffre d'affaires à l'opérateur historique. Résultat, dix ans après l'ouverture, la Poste finlandaise détient toujours près de 95 % de part de marché. Le changement de statut est également présenté comme un préalable à la modernisation de La Poste, notamment pour faire face à une activité courrier déclinante. Mais l'établissement public n'a cessé d'investir, de moderniser son réseau, de former les postiers ces dernières années. Les travaux de la commission Ailleret sur le développement de La Poste sont d'ailleurs assez flous sur les besoins de financement, se contentant de reprendre les demandes exprimées par la direction de l'établissement. Or, les nouveaux besoins de financement concernant les missions de service public sont finalement assez limités et La Poste peut très bien assurer un service de qualité sur le territoire sans avoir recours à des investissements massifs. En revanche, l'ouverture du capital apparaît indispensable si La Poste souhaite nouer des partenariats, acquérir des opérateurs ou se développer à l'international. Mais il s'agit là d'une stratégie d'entreprise et non d'une conséquence de la libéralisation des services postaux. nLes nouveaux besoins de financement sont limité
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