« Successions transfrontalières  : l'Europe clarifie les choses »

Pascal Chassaing, notaire (*)La Commission européenne a élaboré un projet de règlement visant les successions ouvertes dans les pays membres de l'Union. Quel est son objectif ?Il ne s'agit pas d'élaborer une loi européenne du règlement des successions. Ce serait impossible dans une Europe à 27, chaque État ayant une tradition culturelle forte sur ce sujet. À travers ce règlement, la Commission européenne cherche seulement à éviter ou au moins à réduire les conflits de lois. En effet, actuellement, lors de l'ouverture d'une succession, c'est la loi du lieu de résidence habituelle du défunt qui s'applique généralement. En effet, il est unanimement admis que c'est là que se trouve généralement le centre d'intérêts économiques du défunt. Mais, dans certains cas (par exemple, avec l'incertitude entre l'application de la loi nationale et la loi de résidence habituelle du défunt), il va naître un conflit de lois. Le règlement européen clarifie les choses en proposant d'appliquer systématiquement la loi de la résidence habituelle du défunt.Des dérogations à l'application de la loi de résidence habituelle du défunt sont-elles prévues par le règlement ?Oui, à condition que le défunt l'ait envisagé de son vivant. Il pourra, en effet, par testament, indiquer qu'il souhaite que l'ouverture de sa succession soit soumise à la loi de sa nationalité. Par exemple, si un Belge, propriétaire d'un bien immobilier en Belgique, prend sa retraite en Espagne dans une autre résidence, il peut décider que ce soit la loi belge qui s'applique à sa succession, alors que ce devrait être la loi espagnole.Comment peut-on s'assurer qu'un testament, enregistré dans un pays étranger, soit bien porté à la connaissance des héritiers situés dans le pays de nationalité du défunt ?La recherche de testament est une préoccupation ancienne, qui avait donné lieu à une convention signée en 1972, mais qui n'a été ratifiée que par trois États, dont la France. Sur notre territoire, la recherche testamentaire est bien organisée. Pour simplifier cette recherche au niveau européen, l'Association du réseau européen des registres de testaments (Arert) a entrepris la mise en place d'une interconnexion des registres nationaux de testaments, initiative que les notaires d'Europe soutiennent. Ainsi, les professionnels français pourront interroger les registres étrangers via leur registre national.Les notaires français sont-ils favorables à ce règlement ?La France a fait un effort important en acceptant l'unicité de la loi successorale. Car nous sommes un pays de villégiature et que l'on risque d'avoir affaire à un très grand nombre de loi étrangères s'appliquant sur des biens français. Or une insécurité juridique provient du fait que les documents attestant de la qualité d'héritier émanent d'autorités distinctes selon les pays, qui apposent des mentions différentes selon les législations. Pour pallier cet inconvénient, le règlement européen prévoit d'instaurer un certificat successoral européen, document unifié pour tous les États membres, constituant la preuve de la qualité d'héritier et de ses pouvoirs sur la succession du défunt. Cet aspect du règlement est fondamental pour les professionnels du droit français et a permis de gommer les réticences initiales.Propos recuellis par Patricia Erb (*) Porte-parole en France du Conseil des notariats de l'Union européenne (Cnue).
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