L'écosystème du premier financeur de l'ESS en France

Sur un marché de l’économie sociale et solidaire en pleine mutation, les 17 Caisses d’Épargne veulent réaffirmer haut et fort leur rôle. Ce sont elles qui aujourd’hui financent majoritairement les associations, les fondations, les mutuelles et les entrepreneurs sociaux. Entretien avec Nathalie Tarall, Directrice des Marchés Economie Sociale et Personnes Protégées au sein de la Direction du développement Caisse d'Epargne chez BPCE

Alors que les banques privées s'évertuent de plus en plus à séduire les nouveaux chefs de file du social business et autres initiateurs de projets d'innovation sociale, les 17 Caisses d'Épargne au sein du groupe BPCE travaillaient jusque-là en toute discrétion. Elles constituent pourtant le premier financeur de l'ESS en France donc pourquoi cette discrétion ? Comment l'expliquer ? Éléments de réponse avec Nathalie Tarall, Directrice des Marchés Économie Sociale et Personnes Protégées au sein de la Direction du Développement Caisse d'Épargne chez BPCE.

LA TRIBUNE - Pourquoi La Caisse d'Épargne n'a-t-elle pas communiqué sur son rôle et son impact dans l'essor de l'économie sociale et solidaire en France ? Serions-nous typiquement, comme le veut l'adage sur les cordonniers qui sont les plus mal chaussés, devant le même cas de figure ? Le premier financeur du secteur de l'ESS n'a pas songé à le faire savoir ?

NATHALIE TARALL — En vérité, l'économie sociale et solidaire est inscrite dans l'ADN et l'histoire même des Caisses d'Épargne depuis leur origine au XIXe siècle. C'est le fondement même de notre philosophie. Au-delà de notre statut de banque coopérative depuis 1999, la Caisse d'Épargne partage les valeurs de l'ESS depuis sa création. OEuvre philanthropique, fondée en 1818, la Caisse d'Épargne s'est donnée pour mission de changer les comportements individuels par le bon usage de l'argent, en oeuvrant à l'intégration du plus grand nombre au bénéfice du bien commun, dans une optique d'utilité publique. Aujourd'hui, dans un monde qui a beaucoup changé, où l'ESS est en pleine mutation, nous voulons être la banque des solutions pour tous les acteurs de l'ESS, du plus petit au plus grand, sur tous les territoires. Dans cette période de crise, nous sommes
en capacité de répondre aux besoins et attentes des acteurs grâce à un véritable écosystème.


Qu'est-ce qui fait votre différence ? Votre force ?

Notre atout, c'est la connaissance des acteurs sur le terrain. De par notre implantation historique, avec nos 17 Caisses d'Épargne installées sur l'ensemble de la France, nous possédons un ancrage territorial qui nous permet d'être au plus proche
de nos clients. Au total, 180 chargés d'affaires se consacrent à l'ESS. Dans chacune de nos Caisses, les acteurs trouvent un interlocuteur qui comprend et connaît les spécificités
des entreprises de l'économie sociale. Qu'il s'agisse de gérer les problématiques du sanitaire, du médico-social, de l'insertion par l'économique, de la formation, que nos clients soient organisés en associations, en mutuelles ou en fondations, nous avons partout des collaborateurs formés et en capacité de répondre à leurs besoins spécifiques.

Concrètement, que représente la Caisse d'Épargne sur le marché de l'ESS ?

Nous gérons 3,8 milliards d'euros d'encours de crédits auprès des acteurs de l'ESS. Pour 2014, sur les dix premiers mois de l'année, malgré la crise et une baisse des
demandes de financements des acteurs de l'ESS, nous avons consenti près de 470 millions d'euros de crédits aux associations, fondations et entrepreneurs sociaux. Nous sommes et restons le premier financeur de l'ESS. Selon la Banque de France, sur le périmètre ISBLM (Institutions sans but lucratif au service des ménages), au 30 juin dernier, la Caisse d'Épargne portait 21,3 % des encours de crédits. Dans les régions, de l'Alsace à Rhône-Alpes, de la Bretagne à l'Aquitaine, de la Picardie à l'Auvergne... (bref, la totalité du réseau), la part de marché crédit de la Caisse d'Épargne auprès des acteurs de l'ESS oscille entre 10,4 % et 33,8 %. En termes d'emplois, les entreprises de l'économie sociale et solidaire que nous accompagnons, salarient plus d'1 million de personnes. C'est une responsabilité qui nous oblige.


Votre champ d'action est très large : que recouvre-t-il précisément ?

En effet, au-delà du métier de fond de banquier classique, nous intervenons comme acteur engagé, notamment via la responsabilité sociale d'entreprise. En 2013, les Caisses d'Épargne ont consacré 28 millions d'euros pour soutenir 1 170 projets sur le territoire (actions de philanthropie et de mécénat). Nous avons également mis en place une enveloppe de financement à taux bonifié de 150 M€ avec la Banque du Conseil de l'Europe au profit des structures qui opèrent dans les secteurs de la dépendance et du handicap. Grâce à la mise en oeuvre d'une politique d'achat responsable, avec le dispositif Phare, nous soutenons l'activité des personnes handicapées, en ayant recours à des Établissements et services d'aide par le travail (ESAT) pour certaines prestations comme l'éditique par exemple. Du côté de l'épargne solidaire, nous proposons des véhicules de placement d'Investissement socialement responsable (ISR), qui bénéficient notamment à des fonds d'insertion emplois. Notre association Finance et Pédagogie réalise des actions de sensibilisation et de formation auprès des personnes fragiles (mises sous sauvegarde de justice notamment) ou des jeunes, sur l'utilisation de l'argent, en partenariat avec les collectivités et les acteurs associatifs. Ainsi l'an dernier, 38 000 personnes ont bénéficié de 3 000 actions d'éducation financière. Enfin, nous avons aussi lancé le dispositif Parcours Confiance, en 2006, qui offre aux personnes en difficulté financière un accompagnement bancaire, pédagogique et social sur mesure pour les aider à rebondir. Ce programme s'adresse également aux entreprises qui rencontrent des difficultés à monter et financer leur projet. Ainsi en 2013, comme l'atteste le rapport annuel de la Fédération nationale de la Caisse d'Épargne (FNCE), nous avons accordé 8 482 microcrédits dont 4 045 microcrédits professionnels pour un montant global de 180 M€.


Quels sont vos projets à l'avenir ?

L'ESS est un secteur qui bouge et innove sans cesse, nous devons accompagner ce mouvement pour apporter les meilleures solutions et trouver des idées inédites pour répondre aux nouveaux besoins. Ainsi, nous sommes en cours de création d'une plateforme de financement participatif qui permettra aux petites et moyennes associations
de se lancer dans la collecte de dons en ligne.

Nous organisons également des partenariats avec des éditeurs de logiciel pour aider les acteurs de l'ESS dans leur gestion comptable et bancaire. Nous sommes capables d'accompagner les associations dans leur projet d'émission de titres associatifs afin de renforcer leurs fonds propres. Nos chargés d'affaires doivent sans cesse se tenir informés et être formés pour s'adapter à la nouvelle génération des dirigeants de structures de l'ESS qui n'ont pas forcément les mêmes attentes que leurs aînés. Ainsi, nous avons récemment noué un partenariat avec le Mouves (mouvement qui fédère et représente les entrepreneurs sociaux) pour encourager l'innovation, et nous mettons en place des laboratoires auxquels nous convions nos clients pour cocréer ensemble les offres de demain.

À chaque fois, notre objectif est d'être au plus proche des acteurs de l'ESS. Mais aussi de sensibiliser notre clientèle des particuliers à ce marché de l'économie sociale et solidaire. Pour exemple, nous allons mettre en ligne prochainement sur le portail de la Caisse d'Épargne, un quiz accessible à tous, pour mieux faire connaître cette économie au grand public.

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