Fin de l'euphorie sur les marchés émergents

Les fonds investis en actions des pays émergents accusent de larges retraits en raison des tensions inflationnistes et géopolitiques.
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Quelques semaines ont suffi pour que le doute s'installe parmi les opérateurs de marché. À la fin 2010, malgré leur performance des mois passés, analystes et gérants s'affirmaient quasiment tous optimistes pour les marchés actions émergents. Leur sentiment a bel et bien changé : selon le cabinet EPFR, les investisseurs ont retiré 5,45 milliards de dollars des fonds investis en actions de ces pays. Cette quatrième semaine consécutive de retraits porte à 16,2 milliards de dollars le reflux sur cette classe d'actifs. « Pour la première fois depuis 2007, les investisseurs attendent davantage d'opportunités des marchés développés que des émergents », note Brad Durham, directeur exécutif d'EPFR. Pour le responsable, la « sous-performance des marchés développés l'an dernier, qui a rendu leur valorisation plus attractive, et l'attente d'une croissance plus rapide aux États-Unis, en Europe et au Japon sont les principaux moteurs de ce revirement ».

Depuis le début 2011, l'indice MSCI EM, qui reflète la performance des Bourses émergentes, accuse un repli de 3,6 % alors que le MSCI World, indice composite mondial, progresse de 5,8 %. S'ils constatent que les tensions géopolitiques dans le monde arabe ont précipité ce mouvement, les analystes mettent surtout au banc des accusés l'inflation - sur les prix alimentaires et énergétiques - qui les a accompagnées. « Aussi longtemps que les rendements obligataires américains et européens continueront à croître et que les pressions inflationnistes pesant sur les marchés émergents ne s'estomperont pas significativement, les flux de capitaux vers les marchés émergents resteront négatifs », prévient Maarten-Jan Bakkum, stratégiste senior chez ING. « La sous-performance des marchés émergents en comparaison des marchés développés depuis octobre a finalement un impact. Après quatre mois, de nombreux investisseurs se réveillent. Il faudra dès lors absolument que les chiffres de l'inflation s'améliorent pour réduire les craintes de resserrement monétaire et de détérioration des perspectives de croissance », ajoute le stratège, selon qui l'inflation culminera au deuxième trimestre 2011.

Dans plusieurs pays dont la Chine et le Brésil, les banques centrales ont pris des mesures répétées pour contenir spéculation et inflation. Dans un entretien accordé à l'agence Bloomberg, Garry Evans, stratège de HSBC à Hong Kong, a indiqué qu'il ne « recommandait pas (aux investisseurs) d'acheter des actions chinoises tant que les pressions inflationnistes n'auront pas disparu, ce qui ne devrait pas arriver avant le second semestre ».

Autre raison au revirement évoquée sur les marchés : « La sous-valorisation (des émergents) a disparu », note Jacques Tebeka, directeur de la multigestion diversifiée chez Edmond de Rothschild Investment Managers. « En 2000, si l'on prend comme indicateur le ?price earning ratio? (PER, rapport cours-bénéfice), les marchés émergents étaient moins chers que les développés. Aujourd'hui, les valorisations sont similaires, voire parfois plus élevées du côté des émergents », constate Jacques Tebeka. Le responsable recommande certes une exposition à ces marchés mais remarque que la Chine, « qui connaît une croissance économique de l'ordre de 10 % », a un PER de 12, supérieur à la moyenne des pays émergents inscrits à 11 mais inférieur à celui de la Bourse indienne qui « se paye 16 fois les bénéfices 2011 ». Avec un PER de 6,7, la Russie demeure le seul pays des Bric continuant à afficher des flux de fonds positifs, les gérants appréciant les marchés émergents décotés.

L'équipe de recherche d'Aurel Leven indique ne pas être surprise par ce mouvement car la « situation à la fin de 2010 était propice à des prises de bénéfices en cas de mauvaises nouvelles ». « Les pays émergents étaient alors fortement surpondérés dans les portefeuilles internationaux. » Les gérants issus des pays émergents ont senti le vent tourner depuis de longs mois. D'après Lipper FMI, les investisseurs asiatiques avaient retiré 23,3 milliards de dollars des fonds investis en actions domestiques au dernier trimestre 2010, après un reflux de 17,5 milliards le trimestre précédent.

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