Il aura fallu une avalanche de catastrophes consécutives, couplée à une poussée de l'euro qui a brusquement grimpé face au dollar, pour que l'once d'or franchisse un nouveau record historique ce jeudi. Le métal a atteint 1.448,60 dollars sur le marché à terme américain en début d'après-midi, alors que le recul du dollar rendait l'once libellée en dollar plus attractive pour les détenteurs d'autres devises.

L'argent, considéré comme l'or des pauvres puisque l'once est nettement plus abordable, a également grimpé, sans toutefois toucher de record. À 38,18 dollars par once au plus-haut, le métal blanc est revenu à son prix de 1980, soit il y a trente-deux ans.

Ce nouveau record reflète l'inquiétude d'investisseurs face à la multiplication des crises. Les échanges s'étaient montrés frénétiques après le tsunami au Japon et les problèmes du nucléaire, et s'étaient encore intensifiés avec les soulèvements au Moyen-Orient et l'intervention militaire des occidentaux en Libye. Et la nouvelle d'une bombe dans un autobus à Jérusalem mercredi a aussi contribué à dresser un tableau chaotique de la situation internationale. Une conjonction de facteurs qui joue les détonateurs pour de nouveaux records, sur fond de situation macroéconomique déjà explosive pour le métal.

Chères matières premières

« Les taux d'intérêt réels négatifs encouragent les achats d'or puisque la détention de devises ou d'or aboutit à la même situation pour l'investisseur : celle d'une absence de rendement », notent les stratèges de Merrill Lynch Bank of America dans une note. Les prix élevés de toutes les autres matières premières, dont le pétrole, certains métaux comme le cuivre et la majeure partie des matières premières agricoles, favorisent aussi ce repli vers l'or dans la mesure où l'once est le seul actif monétaire à ne pas être victime de l'inflation. Malgré l'abandon de l'étalon-or depuis une quarantaine d'années, l'or se rapproche de plus en plus d'un nouveau statut : celui de monnaie à part entière. Certaines banques acceptent désormais le métal, mais aussi d'autres métaux précieux en tant que dépôts collatéraux, en lieu et place de cash, lors d'opérations financières. Enfin la frange spéculative de cette nouvelle hausse ne doit pas être négligée. Comme sur le cuivre, la détention croissante d'or par les investisseurs pousse les cours à la hausse en réduisant l'offre de métal physique. L'argent commence à être rattrapé par le phénomène. Selon les derniers chiffres du Comex, la banque JP Morgan, qui est par ailleurs le premier intervenant mondial sur les matières premières, détenait hier plus de 31.000 onces d'argent sur les 104.000 onces détenues dans les entrepôts de la place de marché américaine.