Marie Paquier, la dame d'aluminium

À 34 ans, la présidente d'I.D. Alu lance un nouveau produit breveté, après avoir repris il y a un an l'entreprise fondée par son père.

Elle a quitté les sous-marins nucléaires pour devenir capitaine dans l'industrie. Marie Paquier, 34 ans, dirige depuis avril 2014 I.D. Alu, une société nantaise qui produit des profilés et accessoires en aluminium destinés à la menuiserie. En avril dernier, elle a obtenu du Centre technique des industries mécaniques (Cetim) de Cherbourg la certification d'un nouveau produit, un système de roulette qui se pose à la main, et qui fait l'objet d'un des trois brevets déposés par I.D. Alu.

« Recevoir les papiers qui prouvent que tout est conforme et valide, c'est une première victoire. Reste à implanter le produit sur le marché. Ses ventes trouveront leur rythme de croisière d'ici à 2016 », prévoit la présidente d'I.D. Alu, qui commence à étoffer son équipe de cinq personnes avec des agents commerciaux.

« Une entreprise qui n'innove pas est vouée à sa perte. Notre prochain produit ne sera sans doute pas breveté, mais il répondra à un besoin des clients qui n'est pas satisfait aujourd'hui, expose Marie Paquier avec détermination. Ce sera un tube en aluminium, carré ou rectangulaire, à rupture de pont thermique. »

Une bricoleuse experte

Elle sait délaisser les termes techniques face au néophyte :

« Concrètement, ce futur produit pourra permettre d'isoler une véranda du sol. Actuellement, c'est un tasseau de bois qui doit être utilisé pour cela, car les profilés aluminium sur le marché sont tous de forme ronde. »

Cette femme frêle a des convictions bien affirmées et garde son cap sans ciller face aux différentes idées dans le vent. Alors que la création d'entreprise est en vogue, elle a choisi de reprendre une affaire existante. Répondant là encore à un besoin bien présent : en France, quelque 500.000 sociétés, des PME pour la plupart, peinent à trouver un repreneur, et un grand nombre disparaît faute de nouveau dirigeant.

Pour tenter de fluidifier ce marché, une kyrielle d'acteurs, dont Bpifrance, ont lancé le réseau Transmettre & Reprendre début 2015. Mais Marie Paquier ne l'a pas attendu pour commencer à étudier divers dossiers. Pour avoir les bonnes clés d'analyse, elle s'est formée durant trois semaines auprès de l'association Cédants et repreneurs d'affaires (CRA, l'un des trois acteurs disposant d'une solide base de données des affaires sur le marché), en 2011.

« Marie est taiseuse de prime abord. Mais quand elle se dévoile, on est saisi par la force et la puissance de ce petit bout de femme. Sa détermination était impressionnante », se souvient Nadège Anselme, camarade de formation devenue entrepreneure amie de Marie Paquier.

À l'époque, Marie Paquier était salariée chez DCNS depuis neuf ans. Après avoir conçu des frégates à Lorient, travaillé dans la recherche et développement à Brest, elle était alors basée à Cherbourg, suivant les relations techniques et commerciales avec la marine brésilienne pour une commande de sous-marins nucléaires, et planchant sur la remise à niveau des quatre sous-marins nucléaires français.

Durant ses congés, elle mène sa quête d'entreprise à reprendre

« En 2013, j'ai identifié une société de 12 salariés dans le Calvados, spécialisée dans l'agencement de magasin. Mais des zones d'ombre m'ont fait douter », se souvient l'entrepreneure adepte de la précision. Son père lui propose alors de reprendre l'affaire qu'il avait créée. « Marie a manifesté un grand sens pratique dès son plus jeune âge. Elle a l'esprit du tournevis, avec une grande capacité de décision. Elle ne se noie pas dans les détails », souligne Philippe Poudré, son père et le fondateur d'I.D. Alu.

Marie Paquier étudie alors l'entreprise familiale « comme n'importe quelle affaire », scrutant la comptabilité comme son organisation.

« Ce n'était pas pour vérifier s'il y avait des cadavres dans le placard, mais pour me familiariser avec son fonctionnement, et pour être légitime en tant que dirigeante. »

Refusant d'être considérée comme une héritière, elle a rédigé un protocole de reprise et un épais projet de développement à l'attention des banquiers. Elle rachète l'entreprise pour 1,5 million d'euros en avril 2014, et organise une passation de pouvoir de trois mois seulement.

« Lors d'une transmission d'entreprise, une période de transition est nécessaire entre l'ancien et le nouveau dirigeant. Mais je ne voulais pas qu'elle dure trop longtemps. Je veux conduire les choses à ma façon, quitte à faire des erreurs et à avancer un peu plus lentement », affirme ouvertement Marie Paquier.

Dès 17 ans, elle a ressenti l'envie de mener sa barque

Mais l'aspirante entrepreneure ne voulait pas se lancer à l'aveugle. C'est pour cela qu'elle a fait ses classes dans de grandes entreprises industrielles. Elle choisit de suivre sa formation d'ingénieur à l'Institut catholique d'arts et métiers (Icam) en alternance chez Michelin, où elle travaille au tréfilage de câbles en acier pour faire des pneus pour poids lourds.

« J'ai beaucoup appris. Michelin est une entreprise exemplaire dans sa technicité comme dans son management. J'ai toujours été jugée sur des faits, et jamais au regard de ma féminité », souligne cette opposante à la discrimination positive.

Évoluer dans un monde masculin - de l'automobile hier et du bâtiment aujourd'hui - ne l'a jamais dérangée.

« Marie est une femme de caractère. Elle se montre ferme dans les négociations comme avec son équipe. Elle a réorienté la stratégie d'I.D. Alu avec davantage d'exigence et d'agressivité. Elle ne laisse rien au hasard. Avec elle, tout est millimétré, calculé, dans le management comme dans la production », analyse Cédric Viaud, responsable commercial Grand Ouest d'Extol France, un fournisseur d'I.D. Alu.

Maman d'une petite fille de deux ans et demi, Marie Paquier n'a plus le temps de jouer au tennis, mais elle veille à ne pas se laisser dévorer par l'entreprise. Au bureau aussi, son emploi du temps est tracé au cordeau :

« Je consacre 20 % de mon temps aux rendez-vous clientèle, 20 % à la promotion de l'entreprise et au marketing au sens large, 40 % à répondre aux questions techniques des clients au sujet d'un calcul de résistance mécanique ou à réaliser des plans en 3D. Le reste est destiné au management et à la gestion. »

Marie Paquier compte faire grandir I.D. Alu, mais pas trop vite. Elle ne veut pas lever de fonds, préférant s'autofinancer pour « garder les mains libres ». À l'époque où le flux tendu est la norme, elle entretient un stock de 100 tonnes de marchandises, « avec entre deux et six mois de stocks disponibles en permanence, selon les références, livrables en quarante-huit heures partout en France ». Elle compte plus de 1 000 clients en France métropolitaine et outre-mer, ainsi qu'en Belgique et en Suisse. Elle qui a vécu un an à Seattle à l'âge de 16 ans pourrait tôt ou tard se lancer outre-Atlantique.

« Mais l'herbe n'est pas forcément plus verte ailleurs. Vouloir exporter, c'est bien. Mais l'essentiel reste de se faire payer », assène cette pragmatique au franc-parler.

De 1,8 million d'euros de chiffre d'affaires en 2014, elle entend passer à 2,5 millions en 2017.

« Et d'ici à cinq ans, I.D. Alu aura doublé de taille, grâce à une acquisition externe. Pourquoi pas un fabricant de placards, qui serait complémentaire à notre activité ? »

Au splendide, elle préfère le solide.

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MODE D'EMPLOI

- Où la rencontrer ? À Nantes. « Je n'utilise pas les réseaux sociaux, mais je fréquente les événements d'entrepreneurs à Nantes, notamment les rencontres entre dirigeants organisées par le réseau Entreprendre. »

- Comment l'aborder ? Chronologiquement. « J'aime qu'on me raconte l'histoire d'une firme. J'apprécie les entreprises industrielles comme Michelin, avec des politiques de management intéressantes. »

- À éviter ! La suffisance. « Les personnes imbues d'elles-mêmes, qui cherchent à impressionner en déroulant leur CV m'agacent. Ce n'est pas le nom de votre employeur qui compte, mais le poste que vous occupez, vos fonctions réelles. »

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TIME LINE

  • Décembre 1980 Naissance à Nantes.
  • 1999-2005 Entre à l'Icam, en alternance chez Michelin.
  • 2005 Ingénieur à DCNS à Lorient, Brest et Cherbourg.
  • 2011 Suit une formation à la reprise d'entreprise avec l'association CRA.
  • 2012-2013 Étudie plusieurs dossiers d'entreprises à reprendre.
  • Eté 2013 Rédige un protocole de reprise pour I.D. Alu, créée par son père.
  • Avril 2014 Reprend I.D. Alu en tant que présidente
  • Avril 2015 Lance un nouveau produit issu du troisième brevet de l'entreprise.
  • 2017 Développe un réseau d'agents commerciaux et prépare une acquisition pour doubler de taille.

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