Social : ça bouge doucement, mais ça bouge

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«Quand Billancourt éternue, la France s'enrhume. » C'était il y a un siècle. Du temps où l'île Seguin portait avec fierté son drapeau de forteresse ouvrière, où Renault affichait toujours son baroque statut de Régie, où la production des constructeurs français était encore concentrée dans l'Hexagone. L'île Seguin n'a conservé de son passé automobile qu'une petite piste d'essai pour véhicules électriques, et une forêt de résidences pour cadres a poussé sur les bords de la Seine. Les pelleteuses et l'Histoire ont brisé le thermomètre social.

Nouveau tournant

Mais on ne se refait jamais complètement. L'accord de compétitivité conclu ce mercredi chez Renault marque un nouveau tournant dans son histoire. Bien sûr, et il n'y a pas matière à s'en réjouir, il va conduire à supprimer 8.200 emplois, et comporte des zones d'incertitudes notables : qu'adviendra-t-il de l'engagement à une augmentation du volume annuel de production (710.000 voitures par an contre 550.000 aujourd'hui) et, partant, de l'absence de nouveau plan social d'ici à 2016 si la conjoncture ne s'améliore pas comme on l'espère?

Il n'empêche : les syndicats (CFE-CGC, FO et CFDT) ont signé un texte prévoyant un gel des salaires en 2013 et une augmentation du temps de travail pour revenir, sur une base annuelle, à 35 heures hebdomadaires. La CGT s'est... abstenue. Pas neutre. Alors qu'au niveau de la confédération, c'est le cas aussi pour FO, on continue d'agiter des considérations radicales de principe, la base se fait plus souple.
Arnaud Montebourg ne s'y est d'ailleurs pas trompé. En se faisant - en apparence curieusement -, l'avocat de cet accord en sa qualité de ministre du Redressement productif impétueux mais aussi d'actionnaire (l'État contrôle encore 15% du capital du constructeur), il a voulu montrer l'exemplarité de ce projet. Et il a, au passage, savouré - pour une fois discrètement - le fait d'avoir contribué à faire plier un Carlos Ghosn qui n'avait certainement pas l'intention d'aller aussi loin dans les concessions.
Renault a certes perdu sa fonction de thermomètre social, mais peut-être a-t-il conquis celle de baromètre. L'issue des multiples négociations en cours et à venir nous donnera quelques indications. Ainsi celle sur les retraites complémentaires, dont le financement vacille. Là encore, l'idée d'une désindexation constitue un petit événement. Non qu'elle sauvegarde pour longtemps un modèle en partie à reconstruire. Mais le fait de briser les habitudes, de faire d'une certaine façon autrement, laisse augurer un nouvel état d'esprit pour la suite des événements, qui s'annonce sportive. Il en ira par exemple du débat sur le régime de base des retraites. Ne nous y trompons pas : la grande réforme, celle qui aboutirait à une fusion des régimes, celle qui ouvrirait la voie à un système par points, voire à la carte, ne va pas éclore comme par enchantement dans les mois qui viennent. Le corps social et politique n'est pas mûr, la crise, si elle impose d'y songer, limite aussi les changements brutaux en ce qu'ils sont inévitablement considérés comme des atteintes insupportables à ce qui est acquis.

ET POURTANT, LES SIGNAUX FAIBLES se multiplient pour nous dire que nombreux sont ceux prêts à lever des interdits. On l'a vu bien sûr avec l'accord sur la sécurisation de l'emploi, on l'a entendu lorsque la question du maintien de l'universalité des allocations familiales a été posée.
Le simple fait d'accepter de parler des principes sans pour autant les dénaturer change tout. Il ne s'agit plus de réparer des machines fatiguées mais de penser autrement. Faire preuve d'imagination et non plus montrer ses muscles. La partition n'en demeure pas moins difficile à jouer. Le gouvernement, le président de la République, tous deux au sommet de leur impopularité, doivent s'inventer un rôle dans une conjoncture calamiteuse où l'obsession du chômage a vite fait de limiter la moindre initiative. Patronat et syndicats demeurent encore lestés, en tout cas en façade, de leurs vieilles habitudes corporatistes.
Mais ça bouge. Doucement. C'est déjà ça.

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Commentaires 17
à écrit le 24/03/2013 à 9:16
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Assez d'accord avec vous Oui , nous devons parler de "travail" et non d' "emploi" , qui n'est que le signe de la déliquescence de la Société dans laquelle nous vivons ! Oui , malgré des promesses éventuellement difficiles à tenir et une baisse de...

à écrit le 16/03/2013 à 21:42
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Grande victoire ! Réduction des effectifs pour augmentation de la production... Et quand nous aurons plein de sans emploi, qui achétera des Renault ? Personne ! Nous sommes, décidément, dans le pays le plus nul de la planète...

le 17/03/2013 à 22:29
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Il y a des "sans travail" non parce qu'il y a réduction des effectifs dans quelques usines mais parce que les lois interdisent de travailler au prix du marché. Il y a beaucoup de Français qui sont nuls en économie. L'expression "sans emploi" le montr...

le 18/03/2013 à 10:20
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@Retour au réel - J'ai plein de travail mais pas d'emploi (c'est la plus pure vérité), ça me fait une belle jambe ! Surtout pour payer mes courses, mon loyer, mes crédits, mes impôts, mon essence... Il me semble donc qu'avoir un emploi est, à tout le...

le 21/03/2013 à 10:21
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Votre commentaire illustre la présomption fatale du parasitisme socialisme : ce que vous voulez, c'est une confortable rémunération, pas du travail. Mais voilà, ça ne marche pas comme cela. Pour avoir votre chèque, il va falloir d'abord travailler du...

à écrit le 16/03/2013 à 19:40
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"une augmentation du temps de travail pour revenir, sur une base annuelle, à 35 heures hebdomadaires". On comprend que certains envisagent de s'ouvrir les veines tout en se jetant sous un train après avoir sauté d'un avion... ils vont devoir travaill...

le 20/03/2013 à 7:51
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ca ou les banquiers qui defendent leurs bonus durement gagnes au prix d'extremes competences et grands risques...

à écrit le 16/03/2013 à 9:21
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Tant que la classe politique au pouvoir et leurs syndicats inféodés continueront à s'inspirer de Marx, on aura du souci à se faire?et le chômage continuera à augmenter, que dis-je à exploser !

le 16/03/2013 à 18:18
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où avez vous l'inspiration de MARX??? ; ne voyez vous pas que vous baignez dans un capitalisme mortifére depuis des décennies ? vous avez besoin de lunettes ; c'est cette société d u chacun pour soi qui entraine tous les maux ( pollution , suici...

le 17/03/2013 à 0:16
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@ réponse à marx _ artisan je suis seul, et donc autogestionnaire...si je me contente de travailler 35h par semaine je n'ai pas les moyens de prendre des vacances. Alors je ne suis pas du tout étonné de ce qui se passe dans le monde du travail actuel...

à écrit le 15/03/2013 à 17:20
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Donc Carlos Ghosn a "plié" et il est allé plus loin qu'il ne voulait dans les concessions. Cette présentation des faits est un résumé des rapports sociaux en France. Quand on fait "plier" le patron, c'est une bonne chose pour les salariés. On n'envis...

le 15/03/2013 à 18:11
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+1

le 15/03/2013 à 22:22
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"On n'envisage pas un instant que le patron veuille le bien de l'entreprise" malheureusement les managers en France pensent plus a leurs profits qu'au bien de l'entreprise, il suffit de voir a quelle vitesse les dirigeants de nombre de start up dans ...

le 18/03/2013 à 10:41
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Encore une fois, une consternante confusion entre les patrons de grandes entreprises (peu nombreux) et les patrons de PME/TPE (l'écrasante majorité) qui ne pensent qu'à une chose : Où trouver de l'argent, et donc du boulot (de moins en moins fréquent...

à écrit le 15/03/2013 à 16:55
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Sauf qu'il existe deux sortes de changement. Un bon et ... un qui finira par faire réagir.

à écrit le 15/03/2013 à 16:18
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Les personnes qui freinent le changement sont celles qui doivent le réaliser, ce sont les politiques et responsables syndicaux qui ne veulent pas perdent leurs nombreux privilèges.

le 16/03/2013 à 4:37
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Il fallait y penser...

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