L’austérité marcherait-elle ?

Par Robert Jules, rédacteur en chef  |   |  853  mots
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Dans le débat qui oppose les tenants et les opposants à l'imposition d'une politique d'austérité, les premiers ont marqué un point : la zone euro est en effet sortie de la récession (+ 0,3% au deuxième trimestre) après six trimestres de contraction de l'activité, a-t-on appris dans la torpeur de la semaine la plus morne - économiquement parlant - de l'année.

De l'autre côté du Rhin, Angela Merkel ne pouvait espérer mieux. Son pays affiche une hausse de son activité de 0,7%, une aubaine pour la chancelière qui en septembre demandera aux Allemands de lui accorder un troisième mandat. En cas de succès, elle deviendra la seule responsable politique à avoir survécu à la crise de la dette européenne. Surtout, elle pourra se targuer du succès de sa politique qui donne la priorité au patient « assainissement budgétaire », préalable nécessaire à toute reprise économique durable.

Quant à Bruxelles, très discrète en ce creux de l'été, elle doit jubiler. Ce bon chiffre devrait renforcer la position de la Commission européenne, notamment de José Manuel Barroso, son président, qui a défendu sans faiblir, même contre le FMI pourtant peu suspect de laxisme, la nécessité d'imposer une politique d'austérité à l'ensemble de la zone euro. Cette politique qui consiste à mélanger subtilement assainissement budgétaire et réformes structurelles, comme l'a rappelé dans un communique Olli Rhen, le commissaire européen aux Affaires financières.

Il est vrai que le Portugal, lui-même, que l'on croyait exsangue, renoue avec la croissance, affichant un étonnant + 1,1% de son PIB, après 10 trimestres de récession.

Même le président François Hollande, qui connaît une impopularité record, va pouvoir attaquer sa rentrée politique en septembre avec - enfin ! - une bonne nouvelle, puisque la France, elle, affiche +0,5% pour son PIB, après deux trimestres de recul. Comme quoi, sa politique de « sérieux budgétaire » -fondé, faut-il le rappeler, sur une hausse des impôts et des taxes qui atteint ses limites - fonctionne, pourra-t-il affirmer.

Au-delà du débat, qui porte sur un mot, cette bonne nouvelle ne doit pas occulter certaines données moins optimistes. D'abord, il faudra attendre la confirmation de ce redressement aux cours deux prochains trimestres.

Ensuite, en matière de chômage, on n'assiste pour le moment à aucun reflux important. Or cet indicateur est la véritable boussole pour la population active. Dans nombre de pays, les taux atteignent des niveaux records, et s'il y a un décalage temporel logique entre reprise économique et embauches, il faut se rappeler que les États-Unis ont connu une « jobless recovery », à mille lieues de leur "machine à créer des jobs" d'antan.

Rappelons aussi que, selon les experts, il faut en France un taux de croissance annuel supérieur à +1,5% pour pouvoir commencer à réduire le chômage, car il faut absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail et compenser les postes perdus par les gains de productivité. On en est loin.

Plus préoccupant à court terme, en même temps que le chiffre du PIB a été publiée une autre donnée française pour le deuxième trimestre que n'a pas commenté le gouvernement : 27.800 emplois ont été supprimés contre 8.300 au premier trimestre.

Par ailleurs, ce niveau de croissance reste insuffisant pour réduire le poids des dettes publiques - comme des dettes privées - qui va s'alourdir, en raison de la nécessité de recourir à l'emprunt pour alimenter un budget public qui doit assumer des dépenses sociales qui  augmentent mécaniquement en raison de ce chômage structurel. Ainsi, un pays comme la Grèce devra à nouveau faire un défaut « ordonné » sur sa dette tant elle est insoutenable pour redresser la situation d'un pays toujours en récession. La seule question porte sur le moment.

Et quant bien même un scénario de reprise se confirmait, il n'est pas sûr que la France puisse vraiment en bénéficier. Ce serait plutôt l'Allemagne et les pays de l'Europe de l'est qui devraient être les gagnants car plus adaptés à la mondialisation en matière d'exportations.

Alors l'austérité serait-elle la seule politique réaliste pour l'Union européenne ? Vu de Bruxelles sans doute, mais vu d'autres capitales, c'est moins évident.

Car il y a l'équation politique. Si la machine techno-bureaucratique européenne fonctionne bien, les doutes et les désillusions sur la construction européenne nés de la façon dont a été gérée la crise de la dette augmentent dangereusement au sein des populations des pays de la zone. Ce qui se reflète dans les hésitations des leaders pris entre le marteau de la discipline européenne et l'enclume du mécontentement social national. A titre d'exemple, on peut citer le difficile accouchement de l'Union bancaire européenne, pourtant étape indispensable pour commencer à résoudre la crise.

Bref, ce + 0,3% signant la fin de la récession dans la zone euro pourrait au final se transformer en un simple souvenir estival.