Hollande : le tournant fiscal, c’est maintenant ?

Par Philippe Mabille  |   |  1089  mots
François Hollande / Reuters.
Et si le frémissement de reprise conduisait François Hollande à renoncer à la facilité des hausses d'impôts... Tout indique en tout cas que le temps est venu d'avoir la main plus légère côté prélèvements, y compris pour le financement des retraites.

Cette semaine va marquer la rentrée politique et sociale en France avec en point d'orgue, lundi et mardi, les dernières consultations des partenaires sociaux sur la réforme des retraites. Pour François Hollande, c'est désormais l'heure de vérité. A l'Université d'été du parti socialiste, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a tenté de resserrer les rangs d'un gouvernement et d'une majorité turbulents et où les affrontements ont dominé la fin de l'été sur de nombreux sujets. Politique pénale, entre Valls et Taubira, mais aussi politique économique et sociale ne font toujours pas consensus à gauche où des lignes très divergentes s'expriment. Même l'opportunité de la réforme des retraites et son contenu surtout fait débat.

Autre temps fort de la semaine à venir, la mobilisation patronale aux universités d'été du Medef donnera de mercredi à vendredi le ton côté entreprises, avec la première intervention du nouveau président Pierre Gattaz, bien décidé à s'opposer à tout nouveau prélèvement sur les entreprises au nom de la compétitivité. Un Medef inquiet à ce sujet avec la perspective de la hausse des cotisations sociales pour financer les retraites et l'annonce du retour de la taxe carbone.

Même Bruxelles a averti la France que la pression fiscale a atteint en France un « niveau fatidique » pour la croissance et appelé l'exécutif à ne plus faire reposer l'ajustement budgétaire que sur les économies dans les dépenses.

Le chef de l'Etat a tenu au premier semestre deux discours contradictoires, excluant tout nouvel impôt au printemps avant de concéder en juillet que de nouveaux prélèvements seront peut-être nécessaires pour boucler le budget 2014. La hausse est certes bien moindre que le choc fiscal concédé, par la droite puis par la gauche, en 2012 et 2013. On parle de 6 milliards d'euros supplémentaires, soit 0,3 point de PIB, sans compter le remplacement d'environ 4 milliards d'euros de mesures fiscales à « un coup ». Cela fait quand même une dizaine de milliards d'euros à trouver qui, sur un corps écorché, seront d'autant plus durement ressentis qu'une partie des hausses d'impôts déjà votées ne feront sentir leur effets qu'à partir de 2014, sur les revenus 2013…

A ce compte-là, il est assez symptomatique de relever la montée de la contestation contre les hausses d'impôts à gauche. Coup sur coup, les principaux ténors du parti socialiste ont porté la charge, de Laurent Fabius à Ségolène Royal en passant par Julien Dray. La droite, de son côté, a fait de la pression fiscale record en France son principal angle d'attaque contre François Hollande. Jean-François Copé a même présenté dimanche devant l'UMP un plan de libération fiscale du pays et promis de réformer la France en six mois par ordonnances... incluant une baisse massive des dépenses publiques et des charges sociales.

Certes, ce débat national préfigure le combat municipal de mars prochain, élection que l'on dit d'ores et déjà perdues par la gauche. Mais sur le plan économique, c'est aussi le signe que le quinquennat de François Hollande approche du tournant décrit par le candidat pendant sa campagne. Deux années d'efforts, pour redresser les comptes publics et réformer, suivies de trois années de récompenses obtenues par le retour de la croissance. Celui-ci n'est bien sûr pas encore garanti et nombreux sont les sceptiques pour qui une hirondelle de 0,5% au deuxième trimestre ne fait pas le printemps.

Il y a pourtant bien une brise de reprise, non pas seulement en France, mais dans l'ensemble du monde occidental et c'est sur cette base que le prévisionniste Hollande (« la reprise est là », a-t-il affirmé dés le 14 juillet) compte réussir son pari volontariste. Le président le sait : il a avec ce retour lent et progressif de la croissance un petit capital à gérer qui pourrait bien lui permettre de se faire réélire en 2017. Encore faut-il que le président de la République montre qu'il croit lui-même au succès de sa politique. Si c'est le cas, il ne sera sans doute pas nécessaire de relever autant que prévu les impôts ou les cotisations en 2014, car les recettes fiscales et sociales se redresseront, naturellement, à prélèvements constants. Cette politique économique est d'ailleurs celle qu'avait choisi de mener au tournant du siècle l'un de ses mentors, Lionel Jospin. François Hollande était alors Premier secrétaire du PS et avait pu mesurer les effets vertueux de la reprise économique et de la confiance.

Le pari est bien entendu risqué, mais l'expérience européenne de ces dernières années a montré les limites de la politique d'austérité. Dans toute l'Europe, y compris en Allemagne dans la dernière ligne droite de la campagne des législatives, le discours tenu est moins rigoureux. En excédent budgétaire, Berlin envisage d'ailleurs de baisser les impôts l'an prochain.

Ne pas céder à la facilité des hausses d'impôts pour redresser les comptes publics ne veut pas dire cependant renoncer aux réformes. Si un peu plus de croissance peut permettre de donner un coup d'arrêt aux hausses d'impôts, cela n'autorise pas, loin de là, de changer l'orientation de la politique budgétaire, qui reste et restera pour de longues années encore placée sous le signe de la rigueur sur les dépenses publiques. Mais c'est une façon bien plus vertueuse et efficace, même si elle est plus lente, de rassurer les marchés financiers et les détenteurs de la dette publique que de menacer la reprise par un excès de hausses d'impôts.

Là est donc le tournant du quinquennat et il reste encore à démontrer que François Hollande a décidé de le prendre. Une bonne partie de la réponse viendra de l'ampleur de la réforme des retraites et du dosage trouvé entre la hausse de la durée de cotisation après 2020 et celle du niveau des cotisations des entreprises et des ménages avant. A voir le rejet général chez les syndicats de la piste de la CSG (un ballon d'essai ?) et la prudence dont fait preuve le Premier ministre s'agissant de la contribution climat énergie (un simple « verdissement de taxes existantes »), on peut néanmoins être raisonnablement optimiste sur la sagesse fiscale qui pourrait régner en France, à partir de... maintenant !