La crise européenne n'est pas finie

Par Robert Jules  |   |  577  mots
Le parlement européen va être composé d'une forte proportion d'élus ouvertement opposés à la construction actuelle de l'Union. La prochaine commission devra entendre ce scepticisme, effet de la crise plus que d'un rejet de l'Union.

Quels enseignements tirer de ces élections européennes ? D'abord que la vague eurosceptique annoncée a bien eu lieu : en France - le FN arrive largement en tête -, au Danemark, au Royaume Uni, en Italie, en Autriche, en Hongrie, en Finlande et en Grèce. Même si des différences importantes existent entre eux, ces partis vont peser au sein du parlement. Pour autant, les partis traditionnels ne s'écroulent pas. Les conservateurs vont continuer à dominer la nouvelle assemblée et pouvoir imposer leur agenda.

Est-ce la fin de l'Union européenne ? Loin s'en faut car il faut rappeler qu'il s'agit des premières élections de la crise que traverse le continent depuis 2010. La meilleure illustration nous est donnée par l'électorat jadis europhile - Grèce, Portugal, Espagne, Irlande - qui a découvert un nouveau visage de l'UE, celui de la troïka et de l'austérité, en lieu et place des aides structurelles qui avaient tant fait pour moderniser ces pays là et manifester une réelle solidarité entre membres de l'Union. Dans ces pays, l'europhilie recule, mais pas partout avec la même force, ni avec la même cohérence.

Au nord aussi, on a rejeté une certaine Europe, celle de la redistribution. Mais si les euro-critiques progressent, les électeurs allemands savent que leur pays a beaucoup plus gagné avec l'Europe qu'il n'a perdu. Si le contribuable allemand rechigne à payer pour les cigales des autres pays, le citoyen qu'il est aussi ne veut pas casser un système qui bon an mal an lui sert bien.

Alors beaucoup de bruit pour rien ? Non, les dirigeants des pays membres de l'Europe qui ces dernières années ont surtout évalué l'Union européenne en terme de coûts et bénéfices sont en partie responsables de ce scepticisme dans leurs hésitations et maladresses à gérer la crise née en 2010.

Le citoyen européen s'est aperçu que cette unité de l'UE tant vantée s'était lézardée dès les premières difficultés d'un pays qui ne représentait pourtant que 3% du PIB de l'Europe. Surtout, ce citoyen européen a constaté que Bruxelles ne fournissait par rapidement de réponse claire et concrète à la hauteur de la situation. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso - montrons-nous indulgents avec le président du conseil européen, Herman Van Rompuy, et la patronne de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, qui essuyaient les plâtres -, n'aura pas fait preuve d'une grande audace durant son deuxième mandat.

Alors qu'il a des pouvoirs étendus que lui confère la constitution, il s'est contenté de suivre la lettre et l'esprit de la politique décidée à Berlin. Les Européens ont en effet compris depuis longtemps que le pouvoir d'agir ou de bloquer se trouve à la Commission et non au parlement.

Aussi, Bruxelles qui n'a eu de cesse de recommander aux gouvernements et à leurs peuples de faire « des réformes structurelles » serait bien inspirée, face à ce nouveau parlement à la configuration inédite, d'appliquer à sa technostructure cette même recommandation. Cela permettra de réorienter la dérive bureaucratique dont la panne d'inspiration s'est fait durement ressentir durant cette crise. C'est cela le message des Européens que devra entendre la prochaine équipe de commissaires.

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