L'euro, l'autre vainqueur de la présidentielle

Par Robert Jules  |   |  1010  mots
Emmanuel Macron.
L'élection présidentielle aura montré qu'une majorité de Français n'entend pas quitter l'Union européenne ni revenir au franc. Mais le mécontentement à l'égard du fonctionnement de l'UE demeure à travers le continent. Et seule une initiative franco-allemande est à même de proposer des projets pour une meilleure intégration.

L'un des enseignements de la présidentielle française est qu'une majorité de Françaises et des Français ne sont aucunement tentés par un départ de l'Union européenne ni une remise en cause de la zone euro et de sa monnaie.

La campagne qu'a menée le nouveau président Emmanuel Macron sur une ligne clairement affirmée de rester dans le cadre actuel européen ne l'a non seulement pas désavantagé mais lui vaut aujourd'hui une large reconnaissance internationale, son élection à la présidence éloignant le spectre d'une désintégration de l'Union européenne. Cela s'était notamment traduit par un plus haut de 6 mois pour la monnaie commune face au billet vert (1 euro pour 1,0984 dollar) entre les deux tours de la campagne.

Fracture au Front national

Mais ce qui illustre encore plus clairement ce sentiment est l'échec (relatif puisque qu'il a encore progressé en voix) du Front national dont la cohésion interne ces derniers jours est mise à mal précisément sur ce sujet.

Ceux qui considèrent depuis longtemps que le message du parti d'extrême droite sur l'Union européenne et l'euro éloignent des électeurs ont été confortés par le débat du deuxième tour. Face à Emmanuel Macron, le message confus de Marine Le Pen et son manque d'arguments sur un sujet qui était pourtant un pierre angulaire de son programme ont démontré que la mesure relevait davantage du slogan électoral à destination des souverainistes. Et l'alliance avec Nicolas Dupont-Aignan avait ajouté à la confusion.

Un slogan qui d'ailleurs n'avait rien de commun avec le propos de Jean-Luc Mélenchon, qui consistait à « sortir des traités » sans sortir de l'euro, ou celui, plus tranché, de François Asselineau, seul candidat qui militait en faveur d'une sortie de l'UE, un « Frexit », en faisant jouer le fameux article 50 du traité, que Theresa May a invoqué pour lancer le Brexit. Mais le résultat de l'UPR, qui n'a attiré que quelque 330.000 électeurs (0,92%), a montré que l'immense majorité des électeurs n'était pas intéressée par cette option.

Si le débat risque de rebondir au Front national après les élections législatives, il a quand même produit des effets : la décision de Marion Le Pen-Maréchal, qui représente une ligne conservatrice de droite non négligeable, de suspendre son engagement politique est un signe de désapprobation de la ligne suivie. Et, dans le même temps, la menace de Florian Philippot, inspirateur d'une ligne dure de sortie de l'euro, de quitter le parti si l'option de la souveraineté monétaire était abandonnée souligne la fracture qui traverse le FN sur ce sujet.

Les limites de la dévaluation

D'autant que l'argument martelé de la compétitivité par la dévaluation reste à démontrer. Ainsi, il faut rappeler que depuis l'annonce de la politique monétaire accommodante de la BCE en janvier 2015, l'euro s'est déprécié de plus de 25% face au dollar, sans pour autant entraîner un boom des exportations depuis lors. Outre qu'un large part des échanges des pays de la zone euro se fait entre eux (à plus de 60%), la France souffre en priorité d'un problème de montée en gamme de l'ensemble de son appareil productif pour gagner des parts de marché à l'international.

Pour autant, les critiques à l'égard de l'UE et de la zone euro ne vont pas cesser tant elles représentent des bouc-émissaires commodes pour nombre de partis populistes à travers le continent.

Emmanuel Macron le sait. S'il s'est voulu rassurant à l'égard de Berlin en affirmant que les problèmes français devaient être réglés dans le cadre national - un meilleur contrôle des dépenses publiques et certaines réformes phares, comme celle du marché du travail, censée redonner de la croissance économique -, « en même temps », selon l'une de ses formules favorites, il plaide en faveur de mesures qui doivent redonner un second souffle à l'Union, ce qui passe par davantage d'intégration.

Discussions avec l'Allemagne

C'est déjà un objet de discussion avec l'Allemagne. Ainsi, l'inflexible Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances, s'est dit ouvert à la création d'un parlement spécifique à la zone euro, et à la création d'un fonds de sauvetage pour la zone. Mais il ne va pas jusqu'à répondre favorablement au président français qui milite lui pour la création d'un budget commun et un ministre des Finances en charge de ce budget.

Sur ce point, Emmanuel Macron dispose d'un répit lié à la campagne des législatives allemandes dont le scrutin se tiendra le 24 septembre. La chancelière, candidate une nouvelle fois à sa succession, affronte le candidat social-démocrate Martin Schulz qui martèle que le temps est venu de faire preuve de davantage de solidarité au sein de la zone euro, notamment par une relance de l'investissement. Il en va de la cohésion du projet européen.

Les excédents allemands pointés du doigt

Avec ses excédents commerciaux et budgétaires, l'Allemagne est en effet pointée régulièrement du doigt pour sa politique qui profite peu à l'ensemble des autres pays sinon ses voisins très dépendants d'elle, et qui s'inscrivent dans le camp des faucons, critiques de cette solidarité qu'ils jugent d'un mauvais œil.

Ainsi, confronté jeudi à des députés néerlandais, qui lui reprochaient le laxisme de sa politique monétaire - le « Quantitative Easing - car ils voient une financement des pays du sud de l'Europe par les retraités hollandais, Mario Draghi s'est départi de son flegme habituel pour leur lancer : « L'euro est irrévocable. C'est le traité. Je ne discuterai pas d'un problème qui n'a aucun fondement ».

Si donc l'accession d'Emmanuel Macron à la présidence française marque incontestablement une victoire pour l'Union européenne et l'euro, cela n'en constitue pas pour autant la fin du scepticisme et du populisme. Et la poursuite de l'intégration européenne ne s'annonce pas comme un fleuve tranquille.