Salauds de cadres  !

Par Philippe Mabille  |   |  519  mots
(Crédits : Charles Platiau)
EDITO. La réforme de l’assurance chômage concoctée par Muriel Pénicaud, qui touche particulièrement les « cadres à haut revenu », pointe une nécessité : l'État et le secteur privé doivent agir ensemble pour inventer le modèle social du XXie siècle. Au risque de voir cette catégorie de salariés, qui, à partir de 50 ans, sont eux aussi souvent victimes de l’ajustement de l’emploi, réclamer à leur employeur une protection complémentaire sous la forme d’une assurance privée face au risque de se retrouver à la porte... Par Philippe Mabille, directeur de la rédaction.

Emmanuel Macron prend peu de risques à taper comme un sourd sur les « cadres à haut revenu », dont une grande majorité sont ses électeurs. Après tout, n'ont-ils pas le choix entre lui... et le chaos populiste ? Eux qui sont les principaux contributeurs au régime d'assurance chômage concentrent l'essentiel des contributions à un impôt sur le revenu de plus en plus resserré, pourquoi faudrait-il s'en préoccuper puisqu'ils sont quasiment au plein-emploi ? Les cadres supérieurs, on ne les voit pas dans les manifestations. Et, après neuf mois de crise des « gilets jaunes », ce n'est pas la grosse colère de François Hommeril, le patron de la CFE-CGC, le syndicat des cadres, qui va impressionner l'Élysée.

Pour autant, la réforme de l'assurance chômage concoctée par Muriel Pénicaud ne coche aucune des cases de l'acte II du macronisme : nul débat participatif n'a accompagné ce coup de massue qui vise à économiser 3,4 milliards d'euros à l'horizon 2021. Il s'agit ni plus ni moins d'une nationalisation de l'assurance chômage, puisque le gouvernement a fiscalisé son financement. Le projet Pénicaud est le fruit de la faillite du paritarisme à la française, incapable de trouver un accord pour réaliser des économies. Les partenaires sociaux sont bien mal placés pour venir se plaindre que le gouvernement fasse ce qu'il avait dit pour mettre fin à un système qui a accumulé plus de 30 milliards d'euros de dette depuis la crise de 2008.

L'État et le secteur privé doivent agir de concert

Après tout,pourquoi pas ? Mais alors, il faudrait qu'Emmanuel Macron, qui s'apprête à faire de même avec le régime des retraites à travers sa transformation en un système à points, aille au bout de sa logique. Si c'est, comme l'a reconnu le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, auteur de Salauds de patrons ! en 2007, la fin d'une logique assurantielle publique pour le chômage, si Emmanuel Macron veut inventer un modèle social du XXIe siècle mieux adapté aux réalités économiques et sociales que feu les ordonnances de 1945, allons-y vraiment. À l'État, la responsabilité du « socle de solidarité ». Au privé, la possibilité d'apporter un complément d'assurance aux grands risques sociaux. L'injustice faite aux cadres n'est pas de réduire leurs droits ou leur durée d'indemnisation : ils restent beaucoup moins au chômage que les autres catégories de salariés.

Mais, si le financement du chômage est désormais fiscalisé, il n'est pas normal de maintenir des cotisations patronales car, dans cette logique, les cadres paient en quelque sorte deux fois pour la solidarité du régime. En détruisant le paritarisme de gestion, Emmanuel Macron ne peut pas en conserver en même temps les reliques. Les cadres, qui, à partir de 50 ans, sont eux aussi souvent victimes de l'ajustement de l'emploi, seront légitimes à réclamer à leur employeur une protection complémentaire sous la forme d'une assurance privée face au risque de se retrouver à la porte avec, pour seule perspective, un revenu divisé par plus de deux au bout de six mois.