Supprimer les vols intérieurs en France… augmente les émissions de CO2 de l’aérien

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  486  mots
(Crédits : Christian Hartmann)
ÉDITO- Le ministre des Transports Clément Beaune a déclaré qu'il voulait aller plus loin dans la suppression des vols intérieurs. Pourtant, telle qu'elle est écrite aujourd'hui, la loi ne permet pas de baisser les émissions de CO2 du transport aérien français. Au contraire, elle favorise une...augmentation.

La loi « Climat et Résilience » sur la suppression de certains vols intérieurs est à peine entrée en vigueur ce mardi que le ministre des transports Clément Beaune s'est empressé d'annoncer vouloir aller « plus loin ». Il y a effectivement des marges de progression si l'on songe que seules trois liaisons - représentant à peine 0,02% des émissions du transport aérien français selon les compagnies - sont aujourd'hui concernées par la loi. A savoir Paris-Orly-Lyon, Bordeaux et Nantes, trois lignes dont la fermeture était d'ailleurs déjà actée avant même l'évocation d'une telle mesure en mai 2020. Ces maigres résultats n'ont rien de surprenant. Ce sont les seules liaisons sur lesquelles existe une alternative ferroviaire en moins de 2h30 comme l'exige la loi, dans la mesure où tous les vols vers Roissy-Charles-de-Gaulle en sont exemptés pour ne pas fragiliser le hub d'Air France.

Compensation carbone

Si cette loi ne sert donc pas à grand-chose pour lutter contre le réchauffement climatique, « aller plus loin » dans l'interdiction ne contribuera pas davantage à faire baisser les émissions de CO2. Au contraire, elle risque même de les... augmenter. Car, au regard de la valeur stratégique des créneaux de décollage dans les aéroports, du prix des avions qu'il faut rentabiliser et des personnels qu'il faut bien faire travailler, il est évident que les compagnies réaffecteront leur flotte positionnée sur le réseau domestique vers d'autres destinations étrangères moyen-courriers. Avec à la clé non seulement une durée des vols plus importante et par conséquent plus émettrice en CO2, mais aussi une réglementation plus favorable sur la compensation carbone. Celle-ci est en effet inexistante sur les vols vers les pays étrangers alors qu'elle est obligatoire sur les vols intérieurs.

Un leurre

Sans réduire dans le même temps le nombre de créneaux de décollage dans les aéroports, comme l'a fait par exemple Amsterdam, supprimer des vols intérieurs n'aura aucun impact sur la baisse des émissions, laquelle, dans tous les cas, ne peut être que très limitée. Le transport aérien intérieur représente 4% des émissions de CO2 en France. Et près de deux fois moins si l'on exclut les vols vers l'Outre-mer.

Cette loi n'est donc qu'un leurre pour contenter les opposants à l'aviation sans trop pénaliser un secteur d'activité indispensable à l'activité économique et à l'aménagement du territoire. Pas tant pour relier Paris aux régions françaises, où il va de soi que le train est la meilleure solution, que pour connecter les métropoles régionales entre elles, des axes très mal desservis par la SNCF.

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