Transport aérien  : des innovations vertes mal connues et peu acceptées

Longtemps à la pointe des innovations de rupture, l'aviation ne fait plus autant rêver. Si la transition environnementale du secteur représente un potentiel formidable d'avancées technologiques, celles-ci peinent à trouver un écho chez les Français à en croire une étude tout juste publiée. Et s'ils semblent prêts à payer pour financer ces technologies vertes, il faut encore les convaincre de monter à bord.
Léo Barnier
En dépit de leur potentiel de réduction des émissions de CO2, les carburants d'aviation durables restent méconnus du grand public.
En dépit de leur potentiel de réduction des émissions de CO2, les carburants d'aviation durables restent méconnus du grand public. (Crédits : Reuters)

Dans un paysage médiatique scindé entre des acteurs de l'aviation qui clament faire des efforts sans précédents et des opposants à l'avion qui pointent le bilan carbone du secteur, il n'est pas forcément facile de connaître l'avis des Français sur la transition environnementale du transport aérien. Et le fait est qu'ils connaissent mal le sujet.

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Un rapport publié mercredi par la chaire Pégase, consacrée à l'économie et à la gestion du transport aérien au sein de la Montpellier Business School, met ainsi en avant qu'à peine plus d'un tiers des Français ont entendu parler des principales innovations technologiques à venir ou en cours pour la décarbonation de l'aérien. Une méconnaissance qui nuit largement à l'acceptation de ces évolutions.

Basée sur un échantillon de 1.000 personnes représentatives de la population française (genre, âge, milieu socio-professionnel, études...), cette enquête établit donc qu'en moyenne seuls 35 % des répondants ont entendu parler de ces technologies vertes, à savoir l'utilisation de nouvelles formes d'énergie, l'introduction de nouveaux designs d'avions, ainsi que de moteurs et enfin les nouveaux types de carburants (carburants d'aviation durables ou SAF). Et comme l'explique Paul Chiambaretto, directeur de la chaire Pégase, le détail des réponses laisse entrevoir des écarts flagrants de notoriété.

L'hydrogène célèbre, les SAF anonymes

La moitié des répondants a ainsi entendu parler des nouvelles formes d'énergie, ou plus exactement de l'hydrogène. Bien qu'un impact réellement significatif de cette technologie ne soit pas attendu avant les années 2050, elle a déjà réussi à toucher les esprits. L'importante communication faite par Airbus autour de ses projets Zero-E (zéro émission) n'y est pas pour rien.

A l'inverse, seuls 29 % des sondés ont déclaré avoir connaissance des carburants d'aviation durables, ou SAF. De l'avis de tous les professionnels du secteur, ils constituent pourtant le principal levier de décarbonation du transport aérien. Et, contrairement à l'hydrogène, ils sont déjà mis en œuvre de façon opérationnelle (même si les quantités sont encore marginales).

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Sur le plan de la conception, les nouveaux designs d'avions s'en sortent relativement bien, étant connus de 43 % des Français. La présentation de projets tels que les ailes volantes - d'ailleurs présentes dans les concepts Zero-E d'Airbus - a tendance à marquer les esprits. En revanche, les futures configurations de moteurs sont bien loin de cette popularité. Seulement 19 % des Français en ont eu vent.

Du chemin à faire pour convaincre

De fait, si le niveau de connaissance est faible, le niveau d'acceptabilité l'est tout autant, sans que l'on puisse parler de rejet. Les enquêteurs ont ainsi demandé aux participants de noter négativement ou positivement les différentes technologies sur une échelle allant de -10 à 10 pour en juger, les notes négatives signifiant un rejet et les notes positives une acceptation. Et le résultat global, établi à 3,7, illustre bien le manque d'engouement des répondants.

Dans le détail, là encore, l'hydrogène sort la tête de l'eau avec 4,1, là où les nouveaux designs moteurs sont en dessous de 3. Malgré ses promesses, la configuration « Open rotor » ne fait pas recette. Les SAF et les nouveaux designs d'avion sont dans cette fourchette.

Malgré cette appétence globale assez faible pour les innovations vertes, les répondants se sont montrés relativement prêts à payer plus pour voler avec. Sur un billet initial de 100 euros, ils ont accepté en moyenne d'ajouter 15,6 euros. Là aussi, la palme revient à l'hydrogène avec un supplément de 16,8 euros accepté, contre seulement 13.9 pour l'Open rotor.

Cette soudaine propension à payer plus est néanmoins à tempérer : comme le rappelle Paul Chiambaretto, il s'agit d'un exercice déclaratif, non engageant, ce qui introduit toujours un certain nombre de biais. D'ailleurs, seuls quelques pourcents des passagers payent aujourd'hui volontairement un supplément lors de l'achat de leur billet d'avion pour compenser leurs émissions de carbone.

Des variations sensibles selon le profil

Le niveau de perception varie néanmoins assez fortement selon les catégories de population. En ce qui concerne la connaissance des innovations, le genre, l'âge ou encore du fait d'avoir déjà pris l'avion ou non introduisent des différences. Les hommes plus âgés ayant déjà pris l'avion sont ainsi statistiquement plus au fait qu'une jeune femme n'ayant jamais volé. D'autres critères plus subjectifs comme l'attrait pour les nouvelles technologies, le comportement éco-responsable, la honte de prendre l'avion ou la confiance envers les acteurs du secteur aérien renforcent ainsi la connaissance de ces technologies. En revanche, les niveaux d'éducation ou de revenus n'ont pas d'impact.

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En ce qui concerne l'acceptabilité des innovations vertes, des critères comme l'éducation ou les préoccupations environnementales vont jouer, quand la technophilie ou la honte de prendre l'avion sont sans effets.

Une honte de prendre l'avion toute relative

Que nous l'appelions « Flygskam », « flight shame », ou tout simplement la honte de prendre l'avion, ce mouvement d'opposition au transport aérien a semblé se répandre à toute vitesse dans les pays occidentaux ces dernières années. Il a pourtant une importance toute relative à en croire une enquête menée par la chaire Pégase de la Montpellier Business School sur panel représentatif de la population française.

A l'affirmation « j'ai honte de prendre l'avion », sur 1.000 répondants, seuls 3 % ont déclaré être tout à fait d'accord et 9 % plutôt d'accord. A l'inverse, 45 % affirment n'être pas du tout d'accord et 22 % se disent plutôt pas d'accord. Un sentiment que la très forte dynamique actuelle des ventes de billets d'avion semble confirmer.

Sur ce panel, les participants ayant déjà pris l'avion sur l'année au cours des 12 derniers mois se sont tout de même déclarés prêts à réduire leur nombre de vols au cours des cinq années à venir pour des raisons environnementales. Si cela se réalisait, cela pourrait représenter à une baisse de la demande de l'ordre de 14,5 %.

Dans le détail, une très forte différence de comportement est tout de même à noter. 87 % de ceux qui ont effectué un seul vol sur les 12 derniers mois sont prêts à prendre moins souvent l'avion. Mais ce taux tombe à 54 % chez ceux qui ont volé plus de douze fois sur l'année écoulée. Un quart d'entre eux pensent même voler plus souvent.

Léo Barnier

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Commentaire 1
à écrit le 11/05/2023 à 9:59
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Il faut impérativement limiter le transport aérien de masse . Éradiquer les HLM flottants que sont les "paquebots" de "croisière ". Autant de moyens qui contribuent à faire virer la planète au rouge vif pour des petits plaisirs que n'apportent même p...

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