Bagages égarés  : le transport aérien va-t-il éviter le chaos de 2022  ?

Des centaines de milliers de bagages égarés, autant de passagers en colère et des millions de dollars de coûts à la clé, le transport aérien veut à tout prix éviter la pagaille de l'été dernier. Même si la situation s'annonce meilleure qu'en 2022, où le bilan fut catastrophique, la prudence reste de mise devant la recrudescence du trafic.
Léo Barnier
L'Europe avait vu son nombre de bagages égarés s'envoler l'été dernier, comme ici à l'aéroport de Berlin.
L'Europe avait vu son nombre de bagages égarés s'envoler l'été dernier, comme ici à l'aéroport de Berlin. (Crédits : Reuters)

[Article mis à jour le 16 mai à 14h50]

Va-t-on pouvoir à nouveau prendre l'avion avec l'assurance (ou presque) de retrouver son bagage à l'arrivée cet été ? La question peut se poser au souvenir des montagnes de bagages perdus ou mal acheminés qui s'entassaient dans les aéroports l'an dernier. Surtout lorsque l'on sait que le trafic devrait être encore plus dense cet été, dépassant le niveau d'avant la crise.

Depuis plusieurs mois, compagnies aériennes et aéroports investissent massivement pour ne pas connaître le même chaos, mais la partie n'est pas encore gagnée. L'enjeu est de taille : chaque année, les bagages mal acheminés (80% des perturbations), endommagés (13%), perdus ou encore volés (7%) représentent un coût de 2,5 milliards de dollars pour l'industrie, et l'une des principales sources de mécontentement pour les passagers.

Moins de passagers, plus de bagages égarés

Dans l'édition 2023 de son rapport « Baggage it insights », la société Sita spécialisée dans les échanges de données entre les acteurs du transport aérien livre un bilan peu reluisant de l'année 2022. Comme l'explique Sergio Colella, président de Sita Europe, la reprise a été plus forte que prévue avec une forte accélération à partir du printemps, surprenant les compagnies et les aéroports. Le nombre de passagers a ainsi connu une hausse de 50% par rapport à 2021, avec 3,42 milliards de voyageurs sur l'année. Dans le même temps, le nombre de bagages mal acheminés a presque triplé. Pas moins de 26 millions de bagages ne sont pas arrivés à destination en même temps que leurs propriétaires.

A titre de comparaison, en 2019, les acteurs du transport aérien avaient transporté plus d'un milliard de passagers en plus, mais ils avaient égaré quelques centaines de milliers de bagages. Cela donnait ainsi 5,6 bagages mal acheminés pour 1.000 passagers. L'an dernier, malgré une reprise encore partielle, ce ratio s'est envolé à 7,6 bagages pour 1.000 passagers. De quoi donner des sueurs froides pour cet été, où la plupart des zones du monde accueilleront plus de voyageurs qu'il y a quatre ans.

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Une nouvelle pagaille évitée ?

Sergio Colella est pourtant relativement confiant. Plus exactement, il se veut « prudemment optimiste ». Il assure ainsi que les compagnies aériennes et les aéroports ont commencé à travailler dès septembre 2022. La première priorité a été de reconstituer les équipes, après les réductions d'effectifs pendant la pandémie de Covid-19. Certains acteurs, comme Easyjet très affectée l'an dernier, assurent qu'ils sont désormais parés. Il y a quelques semaines dans nos colonnes, le directeur général de la compagnie britannique déclarait :

« Nous avons commencé à recruter dès la fin de l'été dernier pour nous assurer que nous disposions d'un nombre suffisant de personnes afin de pouvoir mener des opérations robustes. »

Fournisseur de solutions numériques, Sita rappelle également que l'immense majorité des acteurs du secteur investissent dans des solutions numériques pour automatiser davantage leurs processus en sus de leurs efforts de recrutement. Sergio Colella assure que 98% des compagnies aériennes et 95% des aéroports planchent sur des solutions pour éditer les étiquettes de bagages via des solutions mobiles ou des kiosques en libre-service. De même, ils travaillent massivement sur des solutions de dépose-bagages sans assistance. Il rappelle que Sita vient de présenter avec Lufthansa une solution de réacheminement automatique des bagages, qui représente selon lui un potentiel d'économie de 30 millions d'euros par an à l'échelle du secteur.

Avec ces efforts engagés, le président de Sita Europe estime que le transport aérien va pouvoir repartir sur une tendance baissière. Il table sur un retour vers un taux de 5 à 6 bagages perdus pour 1.000 passagers cette année, avec un trafic d'environ 4,5 milliards de passagers sur l'année. Si cette performance venait à se confirmer, le secteur serait de retour à ses standards de 2019. Sergio Colella ne s'attend pas à de véritables ruptures dans les prochaines années, malgré ces innovations technologiques. Il table davantage sur une amélioration progressive comme celle connue par l'industrie entre 2007 et 2019, où le ratio de bagages perdus pour 1.000 passagers a été divisé par trois.

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L'Asie loin devant

Sergio Colella explique tout de même qu'il y a d'importantes différences d'une région à l'autre du monde, avec une situation bien plus problématique en Europe (près de 16 bagages perdus pour 1.000 passagers l'an dernier) qu'en Amérique du Nord (un peu plus de 6 pour 1.000). Une situation qui tient selon lui à un réseau plus complexe, plus international - les chances d'égarer un bagage sur une liaison internationale étant 8 fois plus élevées que sur un vol domestique - et un possible retard dans la numérisation des outils.

L'Asie est la plus performante et de loin : malgré une détérioration par rapport à ses standards en 2022, le continent affichait un ratio de seulement 3 bagages mal acheminés pour 1.000 voyageurs l'an dernier. Même si la réouverture totale de la Chine venait à perturber quelque peu les opérations, l'Asie devrait rester loin devant.

L'ombre de nouvelles grèves plane sur l'été

Alors que les réservations pour la période mai-septembre sont supérieures de 40% à celles de 2022, déjà une année de franche reprise post-pandémie, l'Iata, la principale association mondiale de compagnies aériennes, estime que « les perturbations sociales, en particulier en France, sont une source d'inquiétude » pour le bon déroulé de ces vols.

L'association Airlines for Europe (A4E), qui défend les intérêts de grands transporteurs basés sur le Vieux continent dont Ryanair, easyJet, Air France, Lufthansa et British Airways, a justement mis en garde ce mardi contre la possibilité de voir des grèves « ruiner » ces voyages. Elle a de ce fait une nouvelle fois interpellé la Commission européenne pour qu'elle atténue les effets d'un éventuel conflit social.

A4E souhaite un « arbitrage obligatoire avant que les syndicats de contrôleurs aériens ne menacent de lancer une grève ». Ainsi qu'un « préavis de 21 jours » pour ces grèves. Elle insiste à nouveau sur la « protection des survols » du pays où le mouvement social a lieu et demande un « droit de recours auprès des fournisseurs de services de navigation aérienne » pour être dédommagés du coût des perturbations, a-t-elle expliqué dans un communiqué.

À la mi-avril, l'organisme de surveillance du trafic aérien Eurocontrol avait estimé que 30% des vols en Europe, soit « plus de 10 millions » de passagers, avaient été touchés depuis début mars par la grève des aiguilleurs du ciel français.

(Avec AFP)

Léo Barnier

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Commentaires 3
à écrit le 17/05/2023 à 7:11
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Quel intérêt de prendre un bagage un soute ? Perte de temps, risque de perte et plus de choses à transporter.

à écrit le 16/05/2023 à 17:22
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J'ai volé (business et loisirs) avec Qatar Airways, Singapore Airlines, Emirates, Qantas Airways, Air Canada, Swiss International Air Lines, United Airlines, South African Airways, Easyjet (...) sans aucun problème et, y aura fallu que je prenne Cors...

à écrit le 16/05/2023 à 14:52
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Une raison supplémentaire de ne pas prendre l'avion. Mauvais souvenirs sur Olympic Airways et AirItalia...il y a fort longtemps

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