Trump part à la conquête du marché chinois

Par Robert Jules  |   |  700  mots
Donald Trump, président des Etats-Unis. (Crédits : Reuters)
La guerre douanière déclenchée par Washington contre la Chine vise à contraindre Pékin à négocier une relation bénéfique aux entreprises américaines. Avec en ligne de mire un meilleur accès au juteux marché chinois.

Donald Trump est souvent critiqué pour son inconstance. C'est injuste, il ne dévie pas de sa ligne politique initiale : « America first ! ». C'est à la lumière de cet objectif qu'il faut voir la menace de guerre commerciale qu'il brandit, et qui vise en priorité un seul pays : la Chine.

Donald Trump vient de gagner une première manche en forçant les autorités chinoises à mener une négociation bilatérale, comme l'a révélé lundi le Wall Street Journal. Celle-ci se déroule au plus haut niveau entre, d'une part, le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin et le représentant au Commerce Robert Lighthizer, et, d'autre part, Liu He, le très proche conseiller spécial en économie du président Xi Jinping.

Le décret signé par le président américain

Certes, les deux parties vont discuter des taxes douanières. Ce lundi, Donald Trump a signé le décret autorisant les États-Unis à imposer l'équivalent de 60 milliards de taxes sur les importations chinoises (acier, aluminium...), dont l'annonce depuis jeudi agite le spectre d'une guerre commerciale mondiale qui fait plonger l'ensemble des marchés actions à travers le monde.

Trump avait justifié sa décision en avançant l'ampleur du déficit commercial de son pays avec la Chine, qui a atteint 375 milliards de dollars en 2017, et qu'il voudrait rééquilibrer en le réduisant de quelque 100 milliards de dollars.

De son côté, la Chine a répliqué en publiant une liste de 120 produits américains, représentant 3 milliards de dollars d'importations chinoises, qui se verraient imposer des droits de douane allant de 15 à 25%. Cette réponse, pour le moins mesurée, de Pékin relativise la menace de la guerre commerciale, la part des États-Unis dans l'ensemble des exportations chinoises n'étant que de 15%. En réalité, cette bataille de tarifs douaniers n'est pas l'essentiel, le véritable enjeu se situe ailleurs. « Une guerre commerciale ne nous effraie pas, mais ce n'est pas notre objectif », a indiqué dimanche Steven Munchin.

En établissant un tel rapport de forces, le président américain vise d'abord à amener Pékin à un deal redéfinissant les contours de la relation commerciale entre les deux premières puissances économiques de la planète. Et pour l'administration des États-Unis, cela passe par une plus grande ouverture de l'immense marché intérieur chinois aux entreprises américaines.

Une liste des demandes des patrons américains

Déjà, en février, s'est tenue une réunion sur ce thème entre Liu He et Steven Mnuchin, Robert Lighthizer et Gary Cohn, directeur du Conseil économique national. Liu aurait accepté formellement une libéralisation partielle du secteur financier chinois, mais à ce jour un tel accord n'a pas vu le jour.

En parallèle à cette réunion, l'envoyé spécial de Xi Jinping avait rencontré plusieurs patrons américains qui lui avaient adressé une liste de leurs demandes parmi lesquelles : outre une plus grande libéralisation des services financiers, la réduction des subventions aux entreprises d'État, la baisse des tarifs sur les automobiles importées (la Chine impose 25%, alors que les États-Unis 5%), une meilleure transparence en matière de régulation et de législation, et, surtout, la fin de l'obligation pour les entreprises américaines de devoir créer des joint-ventures avec les entreprises chinoises. Cette obligation, qui les empêche d'avoir la majorité du capital, se traduit souvent par une cession partielle de leur savoir-faire et de leurs technologies, sans compter l'espionnage industriel, ce qui constitue finalement un prix élevé pour avoir accès au marché intérieur chinois.

L'impatience des États-Unis

La menace de Trump manifeste l'impatience des États-Unis qui veulent une normalisation de l'économie chinoise, ce qui passe par la fin de la guérilla menée par l'appareil bureaucratique chinois en matière de réglementations, de contrôles, de changements de normes, suppression de licences, exclusion des marchés publics...

Un tel objectif ne pourra se faire que si Pékin y trouve son compte. Dans ce cas, une telle entente entre les deux puissances économiques pourrait créer des dommages collatéraux chez les autres pays, Union européenne et Japon au premier chef.