Valls et Macron : c'est la lutte finale !

Par Philippe Mabille  |   |  969  mots
Une chose est sûre, pour Macron, comme pour Valls, le rendez-vous du 14 juillet s'annonce décisif.
A la veille de l'interview télévisée du président de la République du 14 juillet, Manuel Valls et Emmanuel Macron ne prennent plus de gants. Le Premier ministre veut la tête de son ministre de l'Economie, dont il dénonce le positionnement « antisystème ». Le président du mouvement en Marche agace ses collègues par ses ambiguïtés calculées, mais ménage François Hollande. Pas sûr que le chef de l'Etat sonne demain la fin de la partie tant la guerre sans merci entre ses deux dauphins le sert... pour l'instant.

Provocations après provocations, Emmanuel Macron a réussi à faire l'unanimité du gouvernement contre lui. A commencer par Manuel Valls, de plus en plus exaspéré par l'indépendance du ministre de l'économie qui joue avec ses nerfs en refusant de dévoiler plus avant son jeu sur ses intentions pour la présidentielle.

Certes, celles-ci ne semblent plus faire de doute après le premier meeting du mouvement En Marche mardi à la Mutualité, au cours duquel Emmanuel Macron s'est fait tribun, affichant ses soutiens (Alexandre Jardin du mouvement Les Zèbres, une dizaine de parlementaires socialistes, Gérard Collomb, le maire de Lyon) et surtout se montrant capable de réunir près de 3.000 personnes, ce qui est pas mal pour un mouvement aussi récent, qui revendique 50.000 sympathisants.

Caractère participatif de la démarche

Candidat sans le dire, Emmanuel Macron ? On pourrait le penser, quand il clôture son discours en invoquant « la victoire » à venir en 2017 et en prenant date pour la fin de l'été, date à laquelle il a annoncé son intention de participer au porte-à-porte organisé dans toute la France par ses militants. Signe qu'il pourrait donc ne plus être ministre à cette date. Et, face à ceux qui dénoncent l'absence de propositions concrètes, et la vacuité de ses discours, Emmanuel Macron renvoie au caractère participatif de sa démarche. Le temps des propositions viendra après, sans doute à l'automne, avec la promesse de « dix mesures radicales » pour débloquer la France, sans doute pas très éloignées de celles du rapport Attali sur la croissance dont Macron fut le rapporteur, et dont la plupart ont été soigneusement enterrées par Nicolas Sarkozy.

Ce nouvel épisode du « Macronexit » a rendu fou Manuel Valls qui a fait parler son sang espagnol en attaquant sans ménagement celui qui conteste son autorité et veut lui ravir la place de premier dauphin. « Il est temps que tout cela s'arrête » a ainsi déclaré le Premier ministre quelques heures avant le meeting d'En Marche, adressant une sorte d'ultimatum à Emmanuel Macron et en creux à François Hollande pour qu'il mette fin à cette situation ubuesque d'un ministre en campagne. Mais ce fut encore pire mercredi, lorsque devant des députés PS reçus à Matignon, Manuel Valls a lâché ses coups contre un Macron qualifié de « populiste » : « on ne peut pas dénoncer un prétendu système en cédant aux sirènes du populisme quand, circonstance aggravante, on est soi-même le produit le plus méritant de l'élite de la République », a taclé Valls. « L'éthique de responsabilité, c'est le devoir de clarté, par l'entretien d'un climat pourri par l'ambigüité ». Bref, on l'a compris : Valls veut la tête de Macron, et ce le plus vite possible.

Hollande va-t-il réagir ?

Le spectacle de ces divisions au sommet, à la veille de l'intervention traditionnelle du chef de l'Etat qui sera interviewé sur TF1 et France 2 pour la fête nationale, un temps réservé au président de la République, donne cependant une mauvaise image de la politique, amplifiant le sentiment de cacophonie à la tête de l'Etat. Pourtant, il n'est pas si sûr que François Hollande tiendra compte des banderilles du toreador catalan. D'abord parce que Macron, accusé de déloyauté par ses ennemis, a bien pris soin, depuis le lancement d'En Marche et à nouveau mardi soir, de ne pas attaquer le chef de l'Etat. Au contraire il lui a rendu hommage et l'a remercié de l'avoir nommé au gouvernement. Surtout, François Hollande, qui vient de prendre 7 points dans un sondage Ifop Paris Match (effet de l'Euro 2016 ?) n'a aucun intérêt à se passer de son ministre de l'économie si populaire (en hausse de 9 points, à 52% de bonnes opinions ), et de renforcer son rival le plus dangereux.

Alors, Hollande le Florentin élevé sous François Mitterrand utilise-t-il Macron pour affaiblir Valls et du même coup draguer les voix du centre ? Sans doute le chef de l'Etat, qui semble toujours espérer en sa bonne étoile, ne croit-il pas trop à l'aventure solitaire de son ministre de l'Economie.

Au pire, s'il était empêché de se représenter malgré une primaire socialiste faite pour assurer sa candidature, on ne peut s'empêcher de penser que François Hollande qui a les yeux de Chimène pour Emmanuel Macron préférerait que ce soit lui qui lui succède plutôt que Manuel Valls. Une façon de transmettre le flambeau du social-réformisme à une nouvelle génération politique, plus à même de comprendre le monde qui vient et d'agir pour décoincer le pays. Une chose est sûre, pour Macron, comme pour Valls, le rendez-vous du 14 juillet s'annonce décisif. Le premier, parce qu'il pourrait sortir de la scène en victime expiatoire du réformisme de gauche, le second qui pourrait se sentir désavoué si Hollande se contente de ce qu'il sait le mieux faire : ne rien décider et laisser les enfants jouer dans la cour de l'Elysée, en attendant la fin de l'été pour agir, en fonction de son seul intérêt politique, en fonction de la température politique de la rentrée.

D'un autre côté, François Hollande est le maître du temps et des calendrier. Il peut siffler la fin de la partie, considérant, comme le disent certains de ses proches, qu'Emmanuel Macron li fait de l'ombre et l'empêche d'installer sa candidature, tout en confortant les déçus du "hollandisme". Ce 14 juillet est donc bien l'heure de vérité pour les trois protagonistes. On saura si oui ou non le point de non retour a été atteint avant que ne soient tiré le dernier feu d'artifice du quinquennat !