"Nicolas Sarkozy devrait convaincre Angela Merkel de faire un geste"

Dans un entretien exclusif à La Tribune, la "patronne des patrons" italiens, Emma Marcegaglia, déplore une Europe qui ne jure que par l'austérité, risquant une récession prolongée. La présidente de Confindustria exhorte la France à faire pencher la balance en Europe pour des mesures de croissance et des "eurobonds".
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Le dernier Conseil européen a adopté des mesures pour plus de rigueur sur le continent. Est-ce suffisant ?

Emma Marcegaglia : la rigueur est en effet juste mais l'Europe entre en récession. En Italie nous avons du adopter cette année des plans d'économies pour un total de 75 milliards d'euros et nous entrons donc avec certitude en récession. Et en Europe les prévisions font état au moins d'un fort ralentissement de la conjoncture. Aussi l'idée de ne faire que de l'austérité ne tient pas. Il faut certes plus de contrôles sur les budgets, des sanctions, une véritable Union budgétaire : nous y sommes favorables car une simple coordination ne suffit plus. Mais il faut aussi mettre en place ce Fonds monétaire européen, c'est-à-dire augmenter la capacité du fonds de sauvetage (le FESF et bientôt le MES), comme demandé par le président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi, jusqu'aux 1000 milliards d'euros évoqués et aussi introduire les euro-obligations ("eurobonds") pour financer un peu de croissance. Une Europe qui ne ferait que de l'austérité est en effet promise à une récession prolongée. Surtout les populations ne comprendraient pas pourquoi sont prises toutes ces dures mesures qui touchent directement leur vie en termes de réduction de leurs revenus, de hausse du chômage.

Comment jugez-vous l'action des gouvernements depuis le début de la crise de la dette souveraine ?

Cette action n'a pas été bonne. En effet s'il y avait eu une action assez énergique et immédiate face à la Grèce, qui ne représente tout de même que 2,5% du PIB de la zone euro et une dette en volume somme toute limitée, nous n'en serions pas là. Les gouvernements ont toujours agi avec retard, sans jamais anticiper et toujours avec des solutions partielles, jamais définitives. Certes cette situation est inédite, c'est la première grande crise de l'euro, mais de là à en arriver à parler d'un effondrement de la monnaie unique c'est incroyable!

Que pensez vous de la position allemande ?

Je comprends la peur des Allemands de devoir payer pour des pays dépensiers. Depuis les années 2000, ils ont fait beaucoup d'efforts et réduit les salaires. Beaucoup de gouvernements ont toutefois changé : en Irlande, au Portugal, en Grèce, en Italie et bientôt en Espagne. L'Italie a dopté un plan d'économies très sévère et très structurel. L'Allemagne peut être rassurée : nous sommes tous prêts à accepter l'union budgétaire et ses sanctions automatiques. Mais à ce stade, la chancelière Merkel doit comprendre qu'elle ne peut rester sur sa position rigide. Sa peur de devoir payer pour les autres est nettement moins justifiée. D'ailleurs dans ce contexte, je comprends que le président Sarkozy tienne beaucoup à cette approche franco-allemande mais il devrait pousser beaucoup plus pour convaincre la chancelière Merkel d'accepter de faire, elle aussi, un geste. Le président français devrait chercher à transférer l'attention sur la croissance économique et des instruments européens communs comme les eurobonds, sinon au bout du compte cela restera une position allemande. Paris et Berlin sont certes le moteur de l'Europe mais à un moment aussi complexe, cette relation bilatérale doit s'ouvrir à une discussion plus large, plus européenne, notamment aussi à l'Italie, dirigée désormais un président du Conseil au profil très européen

Les trois principaux syndicats italiens (CGIL, UIL et CISL) ont protesté ensemble ce lundi contre des aspects du plan de rigueur de Mario Monti. La paix sociale est-elle menacée en Italie ?

Il est évident que les syndicats protestent quand on touche aux retraites. Mais ils n'ont pas convoqué une grève générale mais une grève de trois heures. Des éléments du plan de rigueur qui, socialement, posent plus problème et pourraient être modifiés, comme la suspension pendant deux ans de l'indexation des retraites sur l'inflation. Il y aura des protestations : c'est normal mais je ne vois pas des risques très importants pour le climat social en Italie, surtout si ces modifications au plan d'austérité sont réalisées. En soutenant la rigueur, nous avons une vision certes différente de celle des syndicats mais le dialogue reste ouvert.

Craignez vous un resserrement du crédit, un "credit crunch" ?

Beaucoup. C'est notre préoccupation principale en ce moment. En Italie ce resserrement du crédit est déjà en cours. Si cette restriction devait se confirmer et qu'il n'y ait plus l'argent pour financer les activités des entreprises et des ménages ce serait très grave. Il faut absolument l'empêcher. L'essentiel est une réduction des écarts de taux entre les obligations italiennes et celles de l'Allemagne. Et donc il faut des décisions fortes au niveau européen. Ce qu'a fait la BCE, notamment pour le financement des banques comme annoncé jeudi dernier par Mario Draghi, ainsi que l'action concertée récente des banques centrales a servi en ce sens. Mais tant qu'il n'y aura pas de solution définitive à la crise en Europe cela peut déboucher sur un credit crunch. Il faut donc absolument en sortir avec une solution définitive et très crédible.

Après les législatives en Italie prévues au printemps 2013, la politique habituelle reprendra ses droits ?

Le gouvernement Monti a réussi un plan de rigueur qu'aucune coalition de droite ou de gauche n'aurait réussi à faire. Il marque aussi une phase de "pacification" entre les camps politiques antagonistes. Ils sont obligés de coopérer en ce moment de crise et cela est positif. D'ici 2013 une décomposition et une recomposition de quelques forces politiques pourraient se produire. Tant la gauche que la droite étaient jusqu'ici en leur sein très diverses, peu homogènes. Cette période d'urgence nationale pourrait amener à des changements dans les coalitions et déboucher sur des forces politiques plus homogènes. Cela augmenterait du coup la gouvernabilité du pays.

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Commentaires 27
à écrit le 14/12/2011 à 2:09
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Les grands groupes financiers et les agences de notations (idem) veulent laisser passer les fêtes avant de sortir leurs crocs féroces ! En effet il est préférable d'annoncer les très mauvaises nouvelles après Noel et le jour de l'an ,pour ne pas dis...

à écrit le 13/12/2011 à 13:06
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Qu'en pense Berlusconi ?? .....

à écrit le 13/12/2011 à 10:34
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"Nicolas Sarkozy devrait convaincre Angela Merkel de faire un geste" Il faudrait d'abord qu'il est la parole !

le 13/12/2011 à 11:23
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Pour avoir une parole de poids il faudraut un peu plus de vertu et donc de crédit...

à écrit le 13/12/2011 à 8:48
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Trop tôt pour les eurobonds. Il faut d'aborde créer une gouvernance économique. Les mesures d'urgences ont été décidées au sommet. Il va maintenant falkloir peaufiner. Pourquoi pas quelques mesures de relances, type grands traévaux européens ?

le 13/12/2011 à 10:45
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Pour lancer de grands travaux, il faut de l'argent. Et où le prendre? L'emprunt n'est plus possible. A moins de donner une pelle ou une pioche à chaque chômeur...

à écrit le 13/12/2011 à 8:38
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j'en suis sûr et certain qu'après cet accord qui rassure les Allemands Angela va enfin accepter !! ce que ces partenaires demandent i-e ouvrir un peu le robinet

à écrit le 13/12/2011 à 8:26
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il me semble que c'est ce que demande françois hollande

le 13/12/2011 à 8:49
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Les stupidités d'Hollande n'interessent personne. Il faut rester dans le monde réel. Le problème n'est pas la course aux voix mais la survie de l'Europe.

le 13/12/2011 à 9:40
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la survie de l'europe peut etre mais c'est votre europe et celle là elle est foutue apres viendra une autre europe differente mais ce sera quand meme l'europe

le 13/12/2011 à 16:10
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... une europe avec moins de clowns comme Hollande. J´espère.

à écrit le 13/12/2011 à 5:35
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INTELLIGENCE S.V.P. ! MERCI !

à écrit le 13/12/2011 à 5:30
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L´émisiion de monnaie est la seule et urgente solution, la dégradiation va venir ens tous les cas, c´est une perdre de temps ne le faire immédiatament.!Elle arrivera pour les marchés ! Porquoi pas avoir la vantage et le contròle de la dépriciation de...

à écrit le 12/12/2011 à 22:54
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Si l?Italie attend que Sarkozy prenne des initiatives pour convaincre Merkel d?adopter des mesures pour doper la croissance, j?ai peur qu?elle attende longtemps. Sarkozy se moque de la croissance et des salariés français. Ce qui l?intéresse aujourd?...

le 13/12/2011 à 5:33
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En complément de votre commentaire auquel je souscris, je dirais que Sarkozy est plus motivé par les profits que pourraient encaissés ses copains, Bolloré, Bouygues, en Afrique et en Libye, au point d'engager la France, sans aucune concertation, dans...

le 13/12/2011 à 13:11
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INTELLIGENCE S.V.P. ! MERCI !

à écrit le 12/12/2011 à 20:44
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Et si l'on se mettait à bosser avec moins d'allocs, moins de nouveaux arrivants, et des salaires moins extravagants pour les grands patrons. Car, comment motiver un smicard au travail quand un Carlos Ghosn gagne en 15 jours ce qu'un smicard gagne en ...

à écrit le 12/12/2011 à 19:52
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Pourriez vous poser les memes question à son égale Française : madame "Parisot" .Il serait interessant de voir s'il y a meme convergence !

le 12/12/2011 à 20:33
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Apparemment rien de ressemblant avec Parisot !

le 13/12/2011 à 11:25
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Madame M. est un patronne sociale. Pas sur de trouver le pendant coté français....

le 13/12/2011 à 12:03
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Nette et précise, logique, pas de langue de bois et une vision de l'avenir : on sent que Madame M. n'est pas française !! [on ne pourrait pas l'inscrire chez nous comme candidate au prochaines présidentielles ?]

à écrit le 12/12/2011 à 19:30
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J'aimerais bien etre un patron Italien. Je ne manquerais aucune reunion. Je n'ai pas encore lu l'article mais j'ai bien regarde la photo.

le 12/12/2011 à 20:36
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En tout cas entre Pécresse et Madame, y'a pas photo. Pas lu l'article (pas le temps) ;-)))

le 12/12/2011 à 20:46
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Je veux adhérer au MEDEF italien.

à écrit le 12/12/2011 à 17:51
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Faut prévenir Madame Pécresse que ses certitudes concernant la politique de son président, c'est tout faux. Elle va avoir du mal à la reconnaître.

à écrit le 12/12/2011 à 17:45
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merkel ne veut pas payer la retraite a 35 ans des francais; sarko peut lui demander ce qu'il veut, tant que la france expliquera qu'il suffit que la BCE prenne le relais et qu'aucun effort n'est necessaire, c'est peine perdue... ( et chabichou a d'or...

le 13/12/2011 à 1:51
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@churchill: qui a la retraite à 35 ans ?

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